Le jazz afrobeat du bassiste Michael OLATUJA.

De mémoire d’africain, un pepper soup, un bon, digne de ce nom, se doit d’être pris aux aurores après une soirée bien arrosée entre potes. D’ailleurs, ne sont généralement invités à cet extra exclusif, que des intimes. Un savoureux mélange de quelques épices, de viandes, que viennent soutenir parfois des plantains (verts de préférence), parfois du macabo, etc. L’ensemble, dirigé par un piment bien fort, histoire de rappeler que c’est lui qui rythme l’ambiance, en d’autres termes, c’est lui qui donne le LA. Vous avez un “cocktail” léger, souple, qui vous réveille et vous fait reprendre tous vos esprits perdus lors de la soirée arrosée par d’autres éléments. Du Bénin en passant par le Nigeria ou le Cameroun, la formule est la même et ça marche.

Qu’en est-il donc d’un natif de Londres, dont les origines sont nigérianes, bien qu’ayant un vécu occidental se lance dans une telle aventure ? Comment arrive-t-on à faire une association entre ce précieux et prisé Pepper Soup et le jazz, au point de chatouiller ainsi le palais de Dianne Reeves et lui faire parler le yoruba ? C’est le pari qu’a réussi le bassiste Michael OLATUJA dans son sophomore au titre de LAGOS PEPPER SOUP.

Commençons par comprendre, comment Michael Olatuja arrive à un tel titre lui qui, par sa naissance, son vécu, semble n’avoir qu’un rapport très lointain avec ce sacré Pepper Soup. Ainsi Michael Olatuja : “I lived in Lagos as a child. My late mother owned two restaurants. She’s make Pepper soup often”. Michael Olatuja qui arbore également les casquettes d’arrangeur, compositeur et producteur sait de quoi il retourne, ce qui explique la qualité, la très bonne qualité de sa cuisson ; car il a su choisir les ingrédients qu’il faut, à l’image de ce qu’il a vu faire par de mémoire, regrettée mère.

Posons donc les ingrédients utilisés par Michael Olatuja dans LAGOS PEPPER SOUP : Aaron Parks – piano (2,3, 7, 9, 10, 11, 12)-Etienne Stadwijk – keyboards (1, 2, 3, 4, 5, 7, 11) – Terreon Gully – drums (except 5, 6) – Troy Miller – drums (6) – Magatte Sow -Percussion (2,3, 4, 6, 9,11) – Femi Temowo – guitar (6)- Herve Samb – guitar (11) – Michael Aarons – guitar (12) – Camille Thurman – voice (9,12) – Thana Alexa – voice (3) – Ayanna George – backing vocals (2,3,4) – Cassondra James – backing vocals (2,3,4) – Rasul A-Salaam – backing vocals (2,3,4) – Samir Zarif – Tenor and soprano saxophone (8,10,12) – Alicia Olatuja – Vocal Arrangement (4) ‘Lagos Pepper Soup’ String Orchestra (3,4,6,7, 9) – Joseph Joubert – Orchestra Conductor (3,4,6,7, 9) and Orchestration (6 & 7) – David Metzger – Orchestration (2) – Jason Michael Webb – Orchestration (4) – Jon Cowherd – Orchestration (9)

Pour accompagner ou soutenir ces ingrédients comme nous le mentionnions déjà plus haut, le choix s’est porté sur : Angelique Kidjo – voice (2) – Dianne Reeves – voice (4) – Laura Mvula – voice (6) – Becca Stevens – voice (8) – Regina Carter – violin (3) – Lionel Loueke – guitar (2, 4, 10) – Joe Lovano – sax (11) – Robert Mitchell – piano (8) – Onaje Jefferson – voice (7) – Brandee Younger – harp (5) – Grégoire Maret – harmonica (9).

L’agencement de l’album, la pochette en elle-même, autant de révélateurs de la coloration et de l’impulsion que prendra celui-ci. Sobre, mais d’une véritable efficacité,  Even Now Prayer d’une durée d’une minute, ouvre le bal, rappelant au passage, que le maître des lieux est bel et bien un bassiste de très haut calibre. Lorsque suit donc le titre éponyme (Lagos Pepper Soup) avec l’angélique timbre vocal d’Angélique Kidjo et les subtils coups de griffes de Lionel Loueke à la guitare, on comprend vite la connexion au-delà de l’appartenance musicale; on la joue ici dans les tripes, dans la matrice culturelle, fraternelle, le tout dans un cadre afrobeat. Le jeune homme persiste dans son afrobeatjazz avec Brither day dans lequel Laura Mvula de sa voix veloutée vous embarque dans un monde féerique. Que dire de la divine apparition de Regina Carter et de son jeu léché dans The Hero’s Journey. Leye’s dance, un duo avec Joe Lovano, qui se souvient de ses moments de partage avec l’un des pères de l’afrobeat Fela Anikulapo Kuti, et souffle avec une telle dextérité.

Adepte ou pas du Pepper Soup, le dosage est fait dans LAGOS PEPPER SOUP de sorte que, le caractère relevé de cette cuisson n’agressera aucun de vos sens, encore moins votre ouïe. Nous sommes en présence d’un produit assez équilibré, qui a su faire le mixage des différents éléments en sa possession, pour en sortir un tout ravageur, affriolant et bien vitaminé. C’est le cas de le dire, abondance de bien ne nuit pas, lorsqu’on en fait un usage intelligent, comme c’est le cas ici. Loin du côté obscur de certaines productions musicales, de véritables objets marketing, d’affichage de constellation de stars, pour pur dol musical.

Nous sommes ici, en présence d’un bel album de musique, dans la pure tradition. Un album, dans lequel l’équilibre et l’harmonie ont su faire une cohabitation pacifique et combien savoureuse pour toucher dans ce qu’il y a de profond, l’âme. Et ce n’est pas un hasard non plus, si l’album se conclue par Grace. Et on peut dire que le bassiste est habité dans cet opus, par une grâce qui n’appartient qu’aux âmes pures ; cette pureté qui innerve le travail fait et le différencie des autres, car sincère.

Le pepper Soup de Michael Olatuja est prescrit à tout moment et n’exclue aucune oreille curieuse de le goûter, elle est au contraire une invitation ouverte à tous.

Leye’s Dance