Jóa, l’album de la maturité de Coco Mbassi.
Elle est de nouveau là. Depuis plus d’une semaine, celle qui est lauréate du prix RFI Musique du Monde (1996), nominée des BBC Awards 2002 et gagnante du Prix du Meilleur Album de Musiques du Monde en Allemagne en 2001 se fait à nouveau entendre et de fort plus belle manière dans sa dernière livraison.
Il faut dire que, celle qui longtemps a porté tous les espoirs de la chanson camerounaise conquérante à l’international, a tenu à marquer son retour dans cet album, en ralliant à sa musique, les derniers résistants, en rassurant ceux qui avaient encore des doutes sur son retour et sur sa capacité à se renouveler. C’est chose faite dans cette belle galette. Jóa sonne comme une sorte de renaissance ; même si, et c’est tout à l’honneur de la chanteuse, on y retrouve ses thèmes de prédilection. Mais l’approche musicale et les harmonies offrent un paysage radieux et surtout très lénifiant.
Est-ce par hasard si l’opus porte le titre de Jóa ? En langue Duala, Jóa signifie : maturité. On pourrait s’amuser, en supprimant l’intonation sur le O, à y voir une idée de fraicheur, de renouvellement, et lire aussi Joa/Jowa: lavage. Les deux sens, en rapport avec le nouvel album de Coco Mbassi, ont leur place et se tiennent.
Maturité comme une bonne macération des idées pour délivrer des textes bien ciselés, des messages structurés, puissants et subtilement dits (Musiki , Din longue pour ne citer que ces deux titres). Ce qui nous change vraiment du sempiternel poncif de l’amour conjugal (thème phare) nasillé à tout va et à tout vent comme c’est la mouvance. Maturité de pouvoir faire simple et bien alors que tout est invite actuellement, à de l’extravagance. Maturité comme dans la défense de son patrimoine musical et des convictions.
Joa ou Jowa comme idée de lavage, de retrait d’impuretés ou de saleté. Et en l’espèce, l’album sonne comme une sorte d’action d’épuration, d’extraction des futilités pour une introduction dans un raffinement, dans quelque chose de plus profondément parlant et qui brille davantage par son fond.
A la première écoute de Jóa, on sait d’emblée où l’on va. Il y a une constance (comme le prénom de la chanteuse, tiens donc !), une assiduité rythmique qui rassure le mélomane. On est plutôt surpris d’arriver á la fin, tant on est captivé et enrôlé dans le rythme imprimé avec douceur par la voix de la chanteuse, accompagnée en toute finesse par les autres instruments.
Il y a longtemps que, dans cette belle langue, et dans la gente féminine, on a plus entendu quelque chose d’aussi profondément épuré, d’aussi raffiné. Il y a de la pudeur, de la hauteur dans l’approche des thèmes et en même temps beaucoup d’audace. Avec Jóa, Coco Mbassi rappelle qu’elle reste une vraie valeur refuge, une référence.
On sort de l’écoute de cet album assez revigoré/e. A aucun moment on ne s’ennuie à se poser la question de savoir : mais qu’est-ce qu’elle voulait faire au final ? Jóa est reposant, car sur les 12 pistes que comporte la galette, vous n’êtes aucunement agressé par un trop plein de ci ou de çà. Le dosage des ingrédients est au point. Jóa est un album qui réconcilie et restitue la beauté de cette langue avec l’art et la puissance de dire les choses avec beaucoup d’aplomb ce, avec une musique exempte de toute fanfreluche.
Écoutons ces voix dans “Madoi”.