“Jazz Batá 2”, Chucho Valdès ou l’art de faire du neuf avec des zestes de l’ancien.

Qu’est ce qui, 46 années plus tard, peut pousser un artiste-musicien, à aller puiser dans les combles de son répertoire, pour y ressortir une recette et la servir ? Panne d’inspiration ? Incompréhension de l’œuvre  à la sortie ? Ou alors  inscription dans la contemporanéité ? Ce sont les quelques interrogations que semble soulever l’annonce du prochain album du chef d’orchestre, compositeur et pianiste Chucho Valdès. Jazz Batá 2, est le nom de cet album, le premier de Chucho Valdès chez Mack Avenue Records, qui paraîtra le 16 novembre prochain.

Jazz Batá 2? Cela suppose qu’il y a eu un Jazz Batá auparavant. En 1972 en compagnie de ses complices (Carlos del Puerto à la basse et Oscar Valdés aux congas.) qui feront partie du groupe Irakere un an plus tard, Chucho Valdès enregistrera Jazz Batá, album qui sera considéré comme expérimental et précurseur. Associant les tambours Batá (Origine Yoruba au Nigeria) aux rythmes  jazz afro-cubain.

Alors Jazz Batá 2, une photocopie ou réécriture de Jazz Batá ? Panne d’inspiration ou incompréhension de l’œuvre à l’époque ? Que nenni ! C’est plutôt une inscription dans la contemporanéité. Enregistré en deux jours et demi au studio de John Lee au New Jersey, Jazz Batá 2 est à la fois rythmé et lyrique à la fois. La complexité à six mains du répertoire batá – la musique classique et profonde de l’Afrique de l’Ouest – imprègne les solos de piano de Valdés tout au long de l’album. Ainsi Chucho Valdès :

J’ai appliqué à mes solos les différents rythmes de la batá», dit-il. “Le piano est bien sûr un instrument harmonique, mais il est aussi percutant et vous pouvez jouer de la percussion avec lui.

Chucho Valdes Band/©Carol Friedman

 

Encore un élément de différenciation du premier par rapport au second, Chucho Valdès est accompagné de 3 musiciens Yaroldy Abreu Robles (Percussion), Dreiser Durruthy Bombalé (batás and vocals) et Yelsy Heredia (Contrebasse)- tous originaires de la région de Guantánamo et sont profondément enracinés dans la culture musicale cubaine. Rejoint cette fine équipe, la violoniste américaine Regina Carter, qui instille de son jeu léché, les deux pistes sur lesquelles, elle est intervenue (“Ochún” and “100 Años de Bebo”)

100 Años de Bebo”, piste 6 de l’album, tout un symbole. Plus qu’une simple piste audio, un acte de reconnaissance. Chucho Valdès et Bebo Valdès ne partagent pas que le rapport de filiation, d’élève à maître. Une date les unit, celle de leur jour de naissance. Tous les deux nés un 9 octobre et respectivement en 1941 et 1918. C’est encore Chucho Valdès qui en parle de fort belle manière :

No one’s heard this tune,” he says, “I’m the only person who knows it. When I was a child, Bebo played it on the piano at home. Just a tune, very beautiful, and as many times as he played it, it always captured my attention. I don’t believe he ever recorded it. Since it’s his centenary, I added an introduction, I put a tumbao at the end, and recorded it.

Avec cet album, Chucho Valdès comme nombre de cubains, ne fait que rappeler ses profondes origines en rendant à l’Afrique, tout ce qu’elle a donné et continue de donner au monde en termes de sonorités. Ecouter Jazz Batá 2, c’est aller à la source de la musique cubaine et en comprendre toutes les nuances et subtilités. Un album qui nous rappelle que nous sommes en présence d’un grand maître de son art, qui sait lire l’air du temps et y associer les sonorités adéquates.

En écoute: “Ochún”