“CLASSICS meet JAZZ” de Richard Razaf, en parfait équilibre entre deux styles.
Ce n’est nullement un scoop, d’affirmer que, si la musique classique le pouvait, par la voix de ses “puristes“, elle se passerait volontiers de sa rencontre avec d’autres styles ; à la grande satisfaction de ces irréductibles du rejet. De sa forte propension au conservatisme, de sa condescendance pour ne pas parler de son gentil mépris des autres musiques, même si elle s’en défend, elle a du mal à s’en défaire. Si elle était un humain, il ne serait pas abusé de dire qu’elle serait quelque peu xénophobe. Mais le plus rassurant dans la musique, dans ce qu’elle a de plus sincère, c’est qu’elle est intrinsèquement contre tout ostracisme et rejette tout rejet.
C’est dans cette veine, celle du rassemblement et du rejet du rejet, que CLASSICS meet JAZZ, le second du discret et efficient pianiste malgache Richard Razaf s’inscrit, nous délivrant un fondant et radieux musical de onze titres, dont 10 empruntés à : John Newton, Beethoven, Chopin, Mozart, Bach, Haendel, Albinoni et Brahms et une composition personnelle au titre de Avro TBN. Véritable provocation, acte de profanation concluront les “puristes”. Sublimation de ces compositions, argumenteront ceux qui, dépouillés de tout rigorisme , auront la démarche d’aller à l’écoute de cet emprunt à la musique classique pour une relecture jazzy.
Contraint par souci de neutralité d’aller écouter les versions originales de ces compositions, la justesse de la révisitation est intacte, l’équilibre entre la relecture jazzy et l’esprit originel des compositions de CLASSICS meet JAZZ est saisissant. Entre ce sacré et cette profanation au titre bien choisi de Classics meet Jazz, le pianiste et son trio (Richard Razaf : Piano – Rémi Chemla : Contrebasse – Thierry Tardieu : Batterie) apportent un autre tempo, un autre mouvement. La rencontre est fusionnelle et lumineuse. Un disque qui est pleinement à sa place, car en parfait équilibre entre ce qui désoriente les puristes d’un côté et rassure les chantres de l’ouverture de l’autre.
Le point de distinction et la force de relecture s’opèrent dans le chatoiement que le pianiste apporte, et qu’on ne retrouve pas dans les versions originales, faisant une sorte d’appropriation, qui perdrait une oreille non avertie ou non exercée. Et on peut le comprendre aisément, d’autant plus qu’en incorporant la session rythmique, celle-ci apporte du coffre et du volume à la relecture faite par Richard Razaf et étoffe encore plus ces compositions. Pour ne citer que celui-là comme exemple, prenez la version originale de Faith’s Review and Expectation, plus connu sous Amazing Grace, et écoutez le rendu dans CLASSICS meet JAZZ. Vous apprécierez aller à la rencontre de la musique classique en passant par cette impressionnante appropriation. Et c’est le cas dans quasiment toutes les compositions reprises, dans l’album.
La petite polémique naissante chez nos amis allemands dans Pressetext sous la plume de Santa Monica, dans laquelle, il est constaté que : La musique classique estime qu’elle est de plus en plus “réduite” dans son exécution et cela nuit à son prestige. Un constat qui peut en appeler un autre et que nous soulevons en ces termes : Les tenants d’une certaine idée de la musique classique ne continueraient-ils pas à regarder d’un très mauvais œil, ces rencontres du classique avec d’autres styles ? En toute neutralité, il nous semble que CLASSICS meet JAZZ est une amorce de solution pour eux et les autres qui seraient concernés. Une appropriation équilibrée, intelligente et respectueuse qui fait de cette rencontre, une belle référence. Le velours du jeu au piano, rappelle celui d’un produit savoureux de l’île dont est originaire ce pianiste d’une redoutable efficacité.
En écoute “Piano concerto n°21”