“bånd”, la reconnexion de Line Kruse à l’essentiel.
A situation exceptionnelle, objet exceptionnel. bånd, le nouvel opus de la violoniste danoise Line Kruse entre dans cette catégorie. Un disque qui tire son inspiration du pandémonium de ces deux dernières années et de ses nombreuses conséquences. Sixième album d’une carrière qui s’étoffe tant quantitativement que qualitativement, il symbolise avant toute autre considération, une reconnexion avec sa patrie originelle et avec celles et ceux de ses amis musicaux de la première heure. La preuve que les liens, lorsque sincères, résistent à l’épreuve de toutes les contingences. Une reconnexion avec son pays, qui rappelle que l’ouverture au monde est d’abord l’enracinement dans ses origines. Line Kruse a beau être parmi les plus françaises des danois, elle est restée attachée à sa patrie mère.
Véritable voyage dans le classique avec des arrangements instrumentaux hautement jazz. bånd nous plonge dans la matrice fondatrice de l’univers musical de la violoniste. Une exploration comme elle a toujours su les concocter et qui en fait aujourd’hui un vrai caméléon apprivoisant tout en se con-fondant à merveille à son environnement. bånd nous est tout autant nouveau que familier ; car on y découvre en même temps qu’on y retrouve Line Kruse dans tout ce qui fait sa personnalité et son originalité musicales.
De ses influences argentines et cubaines plus une forte dose d’improvisation jazz avoisinant le classique, la violoniste a su faire le lien de tous ces acquis, de toutes ses expériences dans l’album, grâce à une line-up constituée de musiciens rompus à l’exercice. Des ténors de la scène scandinave qui l’entoure lors de ses tournées danoises.
Je l’ai appelé : bånd ce qui veut dire « lien » en danois, en hommage à tout ce qui nous lie, aux autres, à nos pays d’origine et d’adoption, à nos cultures.
Line Kruse .
Ce lien aux autres et aux cultures qui lui sont à priori étrangères, tire sa source déjà dès son installation à Paris, une fois ses études terminées dans son pays. La jeune musicienne décide de s’ouvrir au monde et comme attirée par un lien invisible qui l’attachera quasi viscéralement aux rythmes latinos, elle pose ses valises à Paris. C’est à ce moment que les liens dévoilent aussi leurs mystères. Après les cassettes jazz écoutées au Danemark, où elle est déjà fortement imprégnée ou influencée par la Bossa Nova et autres rythmes latinos, la rencontre qui scelle définitivement son lien avec le jazz afro-latino se fait avec un certain Minino Garay. Le très affable et sémillant percussionniste argentin. Ainsi commence l’écriture de la carrière de cette violoniste dont le caractère chaleureux, que l’on ressent également dans son coup d’archet, contraste avec la froideur du Nord.
Je veux faire de bons citoyens. Si, depuis sa naissance, un enfant entend de la belle musique et apprend à la jouer lui-même, il acquiert de la sensibilité, de la discipline et de l’endurance.
Shin’ichi Suzuki.
Avec un tel esprit d’ouverture, quoi de plus normal, de plus naturel que de retrouver Line Kruse dans des univers rythmiques divers. Son apparition aux côtés de Patrick Bebey dans le cadre du festival jazz lancé par l’Institut Français au Cameroun s’inscrit dans sa philosophie de découverte et aussi celle de transmission. De son séjour en terre camerounaise, la compositrice, arrangeur et violoniste n’a pas raté l’occasion de partager ses expériences avec les jeunes musiciens locaux.
Moi qui ai un parcours très méthodique s’appuyant sur la méthode suzuki, ce qui facilite mon adaptation à tous les rythmes, j’ai été fascinée de voir que les musiciens avec lesquels j’ai échangé lors de mon séjour à Yaoundé, possèdent cet avantage qu’ils doivent absolument conserver.
C’est-à-dire jouer à l’oreille avant d’intégrer la partition. Déjà jeune, je trouvais facile de jouer à l’oreille, car chez moi, même si la partition est nécessaire, elle ne prime pas sur l’écoute. La complexité rythmique des morceaux que nous avons abordés et la capacité qu’ils ont à les capter sans la partition est tout simplement fascinante.
Line Kruse.
Ce séjour en terre africaine, cette expérience avec la graine musicale locale n’ont fait qu’extérioriser davantage la sensibilité de la violoniste pour qui le sol camerounais est une terre d’accueil avec un potentiel tel qu’il serait difficile de ne pas revenir si l’occasion se présente. Et pourquoi pas une occasion de créer un bånd sonore qui débouchera sur de l’afro-jazz comme elle l’a déjà fait avec le jazz latino-américain. Car le coup d’archet de la danoise a fait mouche et marqué tant de personnes dont les jeunes. Une discrète efficacité qui fait sa force, telle qu’on peut l’expérimenter dans ses différents albums.
Avec ce nouvel album, c’est toute l’humanité qui est interpellée par la sensibilité de Line Kruse. Nos cultures sont les éléments constitutifs des liens que nous tissons avec notre environnement, avec les autres. bånd est une invitation qu’elle adresse, pour celles et ceux qui la découvrent, à tisser le lien avec elle également; mais avant tout à l’essentiel, au fondamental. bånd est la preuve, s’il en fallait encore une, que la musique reste l’un des langages qui parle le mieux à l’humanité.