“Wheels”, Ray Lema & Laurent De Wilde continuent leur chemin et confirment la bonne santé de leur duo.
Que peuvent bien se dire deux musiciens qui, d’apparence, à part partager le langage de la musique et le même instrument, le reste semblerait ne pas être de nature à les rapprocher ? On ne peut lire et comprendre un tel dialogue, une telle approche tels qu’initiés par les deux pianistes que, si on continue de célébrer l’humain dans sa plénitude.
Laurent de Wilde et Ray Lema chacun devant son piano, chacun avec sa trajectoire, son histoire, chacun avec sa personnalité musicale bien imprégnée ; mais que la dextérité de leurs 10 doigts posés sur les 176 touches de l’instrument, nous font découvrir de belles histoires et toute l’étendue de sa magnificence et de sa puissance. A les écouter sur disque comme sur scène, on dirait, un orchestre dans sa conception “classique” (Chant, Batterie, Guitare, Basse, Piano) comme on a l’habitude de l’entendre ou de le voir. C’est ainsi que s’est imposé à celles et ceux qui ont eu la chance d’accéder au disque ou de voir sur scène le duo, Riddles, leur premier album. Par leur intelligence, ils ont su convertir une improbabilité en une évidence. De sorte qu’un duo Ray Lema–Laurent de Wilde, quoi de plus banal au final ; tout comme deux pianos qui conversent sans se crier ou se marcher dessus.
Ayant parcouru des kilomètres, écumé les scènes tout en élucidant nombre d’énigmes, le duo de pianistes nous revient cette fois avec un nouveau projet. Si la période d’entre les deux albums a servi à la réflexion, à asseoir et mûrir les ingrédients du présent album; il va s’en dire que toute aventure d’une telle envergure et nature n’est pas toujours dénuée de risques. Car s’il est facile d’hisser, il est difficile de se maintenir ou de maintenir. Tel est le défi qui attendait nos deux équilibristes du piano dans leur décision de renouer avec le studio d’enregistrement.
Officiellement sorti le 28 mai dernier, Wheels porte la lourde responsabilité de confirmer le coup d’essai, néanmoins coup de maître de Riddles, pour inscrire dans la pérennité la lumineuse aventure initiée par les deux pianistes. Et les différents idiomes musicaux abordés dans ce deuxième opus ne trompent pas, la mécanique tient solidement sur des roues bien huilées. Les compositions, toutes des deux pianistes, exceptées les pistes 3 Chains et piste 6 I miss you Dad de Laurent de Wilde, d’une fraîcheur enivrante, dessinent le large spectre dans lequel, ils ont été puiser leur inspiration. De l’Éthiopie (Abyssinight) aux Caraïbes (Poulet bicyclette, Saka Salsa), en passant par le Nigeria (Human come first), le Congo (Wheels, Lubablue), les États-Unis (I miss you Dad, Chains), les deux musiciens ratissent intelligemment et slaloment finement entre les styles.
Une aventure musicale certes, mais d’abord humaine. Ce que n’a pas hésité à rappeler le duo sur la seconde piste au titre bien trouvé de Human Come First. Et à cette époque précise, le rappel en vaut non seulement les notes, mais également la peine.
Wheels vient continuer ainsi une série de savoureuses histoires à nous raconter, que les deux complices ont encore au bout de leurs doigts. Un album qui arrive à point nommé en cette période si trouble et chaotique. Une œuvre qui sonne comme une catharsis au regard de la dystopie ambiante. On ne se lasse pas de l’écoute d’une telle finesse musicale, l’excès est plutôt de mise.