“The Ten Shades of Blues”: La cartographie de l’universel par les notes pentatoniques.

Ten schades

En jouant « Bombay » et « Samba » lors de son passage à l’espace carpeaux de Courbevoie en janvier 2009, Richard Bona nous dévoilait déjà les couleurs et saveurs de ce que sera son prochain album “ The ten shades of blues” c’est-à-dire un régal musical ponctué de voyages à travers les quatre coins du globe. D’ailleurs n’indiquait-il pas lors d’une interview : « J’essaie de faire des albums à thèmes, car les voyages m’enrichissent beaucoup. C’est la première fois que je joue ‘Bombay ’ en public afin de tester la réceptivité et le feeling des gens ». Le test a été concluant comme réussi l’est, aujourd’hui, l’examen dont le diplôme est ’’The Ten Shades of Blues’’.

Une fois de plus, Richard Bona et « The Ten Shades of Blues » ne dérogent pas à la règle. Le multi instrumentiste perpétue ce qui est convenu d’appeler « une culture, une tradition Bona » c’est-à-dire l’exploration et la rencontre des cultures sans violences ni soumission.  Si une tout de même! La seule soumission étant celle à la beauté et à la douceur de sa musique et de ses harmonies,  en plus de la profondeur de ses textes, la soumission à la magie Bona tout court. Mais une telle soumission à tant d’instants de grâce se refuse-t-elle ? Non !

Confiant lors de cette interview que : ’’ Le blues est une gamme pentatonique jouée partout dans le monde. Au Cameroun, c’est notre makossa, bikutsi etc’’, Richard Bona fait le trait d’union entre les cultures par le biais de 5 notes faisant symétriquement la démonstration que l’on a finalement besoin de peu de choses pour se retrouver dans l’universel tant prôné mais jamais atteint par des discours. Que finalement seule la musique, à l’image de celle contenue dans « The Ten Shades of Blues », cet idéal est possible.

Parcourant ce chef d’œuvre au 10 titres + une  introduction comme pour exprimer la vraie origine du ‘Blues’, l’expression des joies et des peines ; on se rend vite compte qu’en seulement cinq notes, le disque traite des sujets divers et qui appartiennent à l’humanité où qu’elle se trouve.

Métaphorique comme à son habitude, Richard aborde diverses questions inhérentes à la culture dont il est issu. Pour nous Africains parce que se servant de sa langue maternelle, Richard Bona aborde le terme de l’éducation dans ’’Esukudu 8’’ comme pour avertir et en même temps prévenir contre le refus d’apprendre. La vie n’est-elle pas en soi une grande école de laquelle on en apprend tous les jours ? Les rencontres ne sont-elles pas également source d’apprentissage ?

De ce refus d’apprentissage, nous sombrons dans un phénomène qui aujourd’hui prend de l’ampleur, la négligence des parents et surtout de nos chères mères. C’est dans cet esprit qu’il exhorte au respect de la maman, cette maman qui aujourd’hui est en pleurs dans ’’Mbemba Mama  4’’.  Dans ’’Kurumalete 5’’ et ’’Souleymane 6’’, l’auteur interroge la sorcellerie et ses adeptes. Tout se doit-il d’être expliqué par ce phénomène ? Souleymane le polisson peut-il nous donner des explications lui qui a recours à cette démarche.

’’ African cow-boy 7’’ évoque la nostalgie de cet enfant partie à la recherche de la vie, loin de son pays, de sa famille. Le triste sort réservé à l’émigré, obligé de se battre contre toutes les adversités dont la première est la rupture d’avec sa base. Si le chanteur en fait une chanson autobiographique, nul doute qu’elle nous est adressée, nous, loin de nos racines. Un peu comme ’’ Noix de coco’’ de Charles Ewanjé Epée dans son album ’’ Noix de Coco’’. évoquant la solitude et le ‘naufrage’ de l’immigré africain.

’’Sona Moyo 10’’ ou le lourd handicap que représente la dot aujourd’hui, lorsque l’homme veut épouser sa dulcinée dans certains coins. Le symbole est dévoyé pour faire place au marchandage. Puisse la tradition revenir à ses valeurs d’antan ?  Et enfin ’’Camer secrets 11’’ qui n’est rien d’autre qu’un voyage à travers les beautés que regorge le Cameroun.

Incontestablement Richard Bona est l’explorateur moderne qui, par ses notes pentatoniques, nous trace la cartographie de l’universel sans jamais chercher à imposer autre chose que l’amour,la beauté et la magie de la musique. Alors écoutez sans modération aucune les 10 membres ou influences du Blues aux cinq notes.

Ten schadesEn écoute “African cowboy”