Manu Katché propose, avec son dixième album “ScOpe”, un parallèle entre la musique et la médecine.

La pochette, signée par le photographe Arno Lam, représente le batteur cadré de profil, « un profil africain » confie le musicien natif de la banlieue est de Paris. Il est indéniable que l’Afrique est  présente tout au long de l’album, l’invitation du chanteur rappeur sénégalais Faada Freddy sur Vice le confirme, comme les mélodies jouées dans une tonalité de kora dans Overlooking et Keep Connexion . Dans ces morceaux, les nappes synthétiques d’Elvin Galland semblent faire écho aux circuits électroniques visibles sur les joues du musiciens sur ladite photo.


Manu Katché – Vice feat. Faada Freddy

Au sujet de The ScOpe, Manu Katché explique s’être imposé des règles d’écrivain pour enfanter cet album. «En studio pendant treize heures par jour, avec des breaks de tâtonnements » pour passer au microscope ses émotions, analyser l’alchimie des sons et sonder les êtres en profondeur .

Pendant mes recherches pour l’écriture de cette chronique, en parallèle, j’ai été assisté à une conférence proposée aux étudiants de médecine sur « Quelle conduite à tenir devant une urgence grave ».

Certains pourrait parler de hasard (je resterai plus réservé sur la question), mais l’urgentiste maître de séance a commencé son exposé par la réponse « D’abord scoper le patient ! ».
Un court instant, je me suis posé la question si ce médecin avait reçu lui aussi le dernier album de Manu Katché !

Mais non ! le docteur a expliqué que le scope (ou moniteur) est un écran TV qui permet de suivre en permanence les paramètres vitaux comme le rythme cardiaque, le pouls, le taux d’oxygène dans le sang (SpO2), la tension artérielle ou encore la température. Il est relié au patient par des électrodes. En cas de trouble du rythme par exemple, l’appareil déclenche une alarme visuelle et sonore.
Cela rappelle à certains les épisodes de la série Docteur House (qui joue également de la musique).

Et si pour l’écoute et la chronique de cet album, nous faisions comme aux urgences, suivre le rythme cardiaque des morceaux ?
Manu Katché a confié le 20 février 2019 à l’animateur Alex Jaffray que  « la batterie c’est le cœur », pour lui « quand on fait de la musique, peu importe l’instrument, la batterie, la guitare le piano, il y a vraiment un rapport aux battements de cœur, à cette pulsation qui est très forte et qui est ancrée en nous ».
Pour scoper l’album, le réglage doit être sur électro-soul -pop, style défini par le compositeur lui même sur France Info, « cela permet plus facilement de groover et de mettre en avant la batterie ».

Manu Katché @Tribune2latiste.com

Dès les premières notes de l’album, la technique rimshot sur la caisse claire, note sans aucune hésitation les temps forts du morceau. La locomotive rythmique est lancée, aucune inquiétude pour le patient, le cœur de l’album ne fait que des arythmies volontaires.
Cela n’insinue pas une rythmique trop présente ; sur Vice, elle n’apparaît que tardivement, par un léger son de grosse caisse. Dans ce troisième morceau de l’album, le dernier tiers de la piste, voit son rythme subitement se modifier par un marquage des temps et des contretemps. Que les urgentistes ne s’inquiètent pas, la passion fait souvent battre plus rapidement le cœur !
Let Love Rule avec la chanteuse Jonatha Brooke devrait même provoquer un changement du rythme cardiaque de l’auditeur, notre scope nous signale que la balade mélodique à la trompette emmène de la douceur.

Le batteur parle souvent de ses origines. Paris Me Manque avec le rappeur Jazzy Bazz propose une promenade nostalgique où il avoue ne pas reconnaître « Paris » sa ville, la cadence soutenue en est presque agressive. L’enfance souvent fait battre le cœur d’espoir et de rêve, la vie semble avoir comblé le musicien né à Saint-Maur Les Fossés. Cette réussite, il l’a joue avec son morceau Tricky 98’ qui a accompagné les bleus en juin 2018 pour célébrer les 20 ans de leur coupe du monde à l’U-Arena.

Le parallèle entre l’écoute d’un album et le travail des urgentistes permet alors d’imaginer que la pochette de l’album  est un selfie d’un examen médical du musicien, qui permettrait peut-être de comprendre le processus de création de la musique .

Mais n’ayez aucune crainte ! je m’engage. Si dans l’avenir la technologie permet cette prouesse, parole de chroniqueur , j’écrirai un livre sur le sujet.

Line Up : Manu Katché : batterie, chœur, composition – Jérôme Regard : basse – Patrick Manouguian : guitare – Elvin Galland alias Jim Henderson :(claviers, composition). Guests : Faada Freddy : vocal (3) – Jazzy Bazz : vocal (6) – Jonatha Brooke : vocal (7).

En écoute : “Glow” :