Lionel LOUEKE propose un voyage de liberté et vrai dans son nouvel album “The Journey”

Il se passe quelque chose de magique, parce que souvent, quand je joue, je ferme mes yeux. Et quand j’ouvre mes yeux, quand je joue quelque chose je sens, je me dis ha, çà c’est une nouvelle direction, peut-être il y a quelque chose à explorer.…(…). Je vais vers la musique, j’écoute de la musique, et en général elle me dit ce qu’il y a à faire… Lionel Loueke.

 

©Tribune2lArtiste.Com/Lionel Loueke

 

Avec des accents rock assez prononcés, sortait en 2015 GAÏA , symbole d’une colère, d’une déception qu’exprimait la déesse via le canal de Lionel LOUEKE. Dans un style rock et avec une forme d’agressivité, par des riffs fumasses, mais bien envoyés. Le guitariste béninois désarçonnait pratiquement plus d’un. Avec force, les cordes hurlaient jusqu’à l’ivresse cette colère. Et pour cause, Lionel avait fait le choix de ne s’exprimer qu’avec sa seule guitare électrique et de taire sa voix.

La musique lui a intimé l’ordre de…, et Lionel LOUEKE s’est exécuté, et de fort belle manière. Depuis le 28 septembre dernier il a officialisé la sortie de The Journey.

Trois ans plus tard, le style et la formule (les acteurs) ont changé. De la très appréciée et non moins efficace formule (trio) qui a vu naître deux albums (Karibu et Gaïa), se substitue une formule plus étoffée, avec 12 musiciens dont son compatriote, le batteur-percussionniste Christi Joza Orisha, sous la direction de Robert Sadin. C’est dans un style plus apaisé, tout en douceur et contenu, que Lionel LOUEKE aux états de service enviables pour qui suit le musicien, dévoile un projet aussi ambitieux que personnel. Un voyage musical à la croisée des styles et de sa culture originelle. Mais si le ton dans l’album est apaisé, le constat est resté le même et a donné droit à des messages avec la même intensité que dans le précédent album.

Et la plage 4 (Vi Gnin) sur les 15 que compte l’album, en est le symbole. Comment peut-on, après avoir écouté cette charge, continuer à détourner notre regard ? Telle est la question qui nous est adressée dans cette chanson.

  “Ne pleure pas mon enfant, la guerre a emporté ta mère comme le vent emporte les roses. Ne t’inquiète pas, elle veille, elle veille sur toi”,

The Journey, que l’on pourrait traduire par le trajet, le voyage,  est le miroir des mouvements effectués par le guitariste, pour alimenter les thématiques qui lui tiennent à cœur, puisant dans ses racines et les différentes influences de sa riche trajectoire pour les dire. De ses deux instruments qu’il manie quasiment à la perfection, LOUEKE s’en est servi, pour dire, décrier, dénoncer ; mais aussi pour nous ambiancer. Ce n’est pas un hasard si l’album ouvre par un rythme entraînant, et de sa guitare, Lionel nous rappelle qu’il est un percussionniste (certes frustré)  quelque part, mais avec de bonnes très bases.

Un voyage durant lequel, sa voix comme guide et en sa langue maternelle, semble aussi indiquer que celui-ci, est d’abord un voyage interne, personnel et davantage vrai, ainsi Lionel: “Pour moi c’est toujours important de rester moi-même”. Y a-t-il plus vrai que puiser dans sa source ?

L’une des qualités de l’eau, c’est sa capacité à épouser les formes qu’elle croise. C’est cette capacité qui lui confère son caractère libre. Raison pour laquelle, Lionel LOUEKE peut se permettre d’aller vers d’autres styles, s’en accommoder, délivrer des pépites ; tout en ne se départant pas de son identité. Car The Journey identifie d’abord et définitivement qui est Lionel LOUEKE dans et par ses origines, par rapport à ses voyages (ses expériences). C’est cette liberté qui permet ensuite d’aborder les thèmes qui ouvrent sur l’universel et de poser le débat à la face du monde.

Mais The Journey ne saurait se résumer à la seule gravité à laquelle invite Vi Gnim . A la gravité, la légèreté joyeuse vient équilibrer l’album dans ses messages. Ce qu’illustre parfaitement la plage 5 (Mandé). De sa flûte peul, de Dramane Dembélé déblaie le terrain, illumine l’espace, pour que s’y glissent joyeusement ses compères…Lionel Loueke se délecte, pendant que John Ellis souffle sur les braises, sous la cadence approbatrice de Pino Palladino et de Christi Joza…Un vrai régal jouissif !!!

The Journey est, s’il fallait encore le préciser, la preuve qu’il est illusoire d’enfermer un musicien voyageur dans une catégorie et l’y cantonner, car tôt ou tard il s’en échappe et ressort sous une autre étiquette. Lionel LOUEKE fait partie de ces funambules qui ne se définissent qu’au gré de leurs nombreuses capacités à se maintenir en équilibre par rapport aux rencontres, et aux expériences de leurs voyages pour nous enchanter. Embarquez dans le voyage que propose ce musicien qui n’a de cesse de nous dérouter avec une habileté déconcertante, tant sa créativité semble sans bornes, mais ô combien joyeuse…

En écoute:”Bouriyan”