Robert Bizo:”Monsieur Bendegue, votre parcours universitaire parle certainement pour vous mais votre parcours professionnel évidemment ne vous aide pas beaucoup mon cher…”

©Tribune2lartiste|R.Bizo
©Tribune2lartiste|R.Bizo

Monsieur Bendegue et cher Grand frère…
C’est avec un plaisir et une satisfaction non dissimulés que je prends part à cet échange hautement culturel et ceci à plusieurs égards. D’abord, vous êtes une personnalité culturelle camerounaise de part vos fonctions et vos responsabilités et donc, une voix ‘’dite’’ autorisée. Ensuite, malgré ces responsabilités qui sont les vôtres, vous prenez la peine de participer à un débat qui a toute son importance pour les personnes qui comme vous et moi avons en partage cette richesse, cette essence mais surtout, ce domaine qui pour moi, est le meilleur : La Culture. Je vous prie donc de bien vouloir accepter mes sincères respects. Après cette respectueuse mise au point, je vous propose de revenir au débat qui est le nôtre.

Concernant celui-ci, je vais essayer d’apporter mon avis point par point à votre réaction. Mais, je me permets déjà de mentionner ici, que tout au long de votre réaction, j’ai constaté que vous n’avez pas mis en cause mes remarques professionnelles mais c’est plutôt mon approche et les mentions légales afférentes. Nous sommes donc d’accord sur l’essentiel car entre votre première interview et votre réaction actuelle, vous vous êtes plutôt ‘’accordé’’ dans votre analyse mon Cher M. Bendegue, et cela, rend non seulement honneur à la culture camerounaise mais permet que le débat soit élevé.

Concernant le point sur l’immatérialité de la culture
Monsieur Bendegue,
J’ai du mal à comprendre l’évocation du terme ‘’surannées’’ dans vos interventions. Les conventions de 1972 et la plus récente qui est juste de 2003 ne sont elles pas valables et légataires parce qu’elles datent de ces années là ? Je ne comprends pas bien cette remarque ‘’surannées’’ qui semble vous tenir à cœur. Cette définition fait allusion à quelle période à considérer juridiquement au niveau mondial ? Je souhaite vous rappeler que les conventions citées ne sont pas si différentes que cela dans leur fondement et de même, les conventions de Rome et de Berne que vous connaissez bien datent également. Pour autant de par le monde, c’est elles qui régissent les droits d’auteur et les droits voisins (juste un exemple). Mais en ce qui concerne justement ces conventions ‘’surannées’’, nous sommes d’accords qu’elles concernent uniquement et entre autres le patrimoine ‘’folklorique et traditionnel’’.

Vous faites donc bien de citer deux sieurs de la culture moderne camerounaise que sont Bona et Dibango qui sauf avis contraire, sont deux artistes interprètes qui ne sont pas dans un registre traditionnel. Or, si je reviens à votre interview du 14 juin 2011, vous dites et je vous cite :’’ De l’autre côté, il faut le dire, nous avons du mal avec la culture, parce que c’est une chose immatérielle, intangible donc difficile à quantifier’’. Mais Monsieur Bendegue, Arrêtez-moi si vous n’êtes pas ici entrain de traiter la culture de façon générale et globale ‘’d’immatérielle’’. Car dans votre réponse, vous ne nous dites pas que la culture contemporaine par exemple ne l’est pas mais en plus, M. Bendegue, dans le contexte de la question du journal, ce n’est pas le côté immatériel de la culture qui empêche l’État du Cameroun de valoriser sa culture. Ne nous perdons donc pas en conjectures.

De quoi je Parle ?
Je suis dans le concret M. Bendegue. En expliquant à la jeune génération que c’est du devoir régalien de l’État camerounais de mettre en place des politiques culturelles qui régissent la culture. Des politiques dans lesquelles nous allons retrouver les volets économique, industriel, encouragement, développement ou encore le côté social de la culture. C’est de cela que je parle M. Bendegue. Je suis dans une approche pragmatique, réaliste et directe. Si ces politiques étaient mises en place depuis des décennies, Mrs Bona et Dibango n’auraient pas eu besoin des tremplins et des outils culturels développés dans les pays étrangers pour permettre le rayonnement de notre musique donc, de notre culture depuis ces pays.

Concernant le volet : Rentabilité et économique de la culture
Monsieur le Délégué, votre parcours universitaire parle certainement pour vous mais votre parcours professionnel évidemment ne vous aide pas beaucoup mon cher, pour vous permettre d’élucider le problème de l’économie culturelle. Je voudrais prendre un exemple d’un des domaines de la culture qui est celui du spectacle vivant et qui réunit entre autres, la danse, la musique ou encore le théâtre. Pour rendre concrètement le domaine du spectacle vivant économiquement viable à partir duquel l’État lui-même gagnera en terme de revenus sur les impôts et au demeurant sur le volet social, ou les artistes interprètes gagneront des salaires à déclarer au fisc et ou les entrepreneurs créeront des structures professionnelles et donc de l’emploi.

Afin que ce domaine soit économique, rentable et viable M. Bendegue, nous avons besoin au Cameroun que les artistes interprètes aient des salles de spectacles, que les producteurs de spectacles, les organisateurs de spectacles, les tourneurs ‘’professionnels’’ bénéficient des dispositions juridiques et administratives pour créer, administrer et gérer des structures responsables auprès des lois en vigueur au Cameroun à partir desquelles ils salarieront, géreront et administreront les carrières des artistes interprètes camerounais. Mais mieux M. Bendegue, pour qu’une économie se mette véritablement en place dans le domaine du spectacle vivant, autour des premiers acteurs cités, se développerons d’autres secteurs : les auteurs compositeurs, les producteurs de phono et d’autres professionnels des domaines de l’hôtellerie, des transports, de la téléphonie et j’en passe. C’est du concret cher monsieur ; et pour mettre ce système en place, c’est vous, c’est l’État qui devez le faire par le biais je ne sais pas, d’une loi, d’une directive ou d’un décret.

  • Bendegue, vous êtes certainement mieux placé que le commun des mortels qui nous lit et pour cela, nul besoin d’être l’incarnation de la désinformation pour savoir que lorsque M. Dibango diffuse un album en France, avant la sortie de celui-ci, tout un système est mis en place pour sa diffusion et sa vente y compris la production de son spectacle jusqu’à sa vente auprès des organisateurs de spectacles et des tourneurs. C’est du concret et pas de l’illusion ou même de la fiction. Du coup, pourquoi avez-vous du mal à percevoir ou à comptabiliser les sommes qui circulent dans le milieu culturel ? C’est simplement parce qu’aucune disposition juridique ne vient réguler, contrôler et faire vivre les domaines culturels. Dans le domaine du spectacle vivant par exemple quel artiste interprète paye ses impôts au Cameroun ? Existe-t-il un organisateur ou un producteur ayant une base juridique privée qui respecte le code des impôts au Cameroun ? Bref…il faut une base concrète M. Bendegue et vous le savez.

Concernant le point sur la volonté politique
Lorsque vous, qui êtes un haut fonctionnaire de l’État, apporter des critiques aussi acerbes et réelles contre ce gouvernement, je me pose bien la question de savoir ce que vous, avec votre devoir de réserve, faites encore à votre poste. Parce que pour moi, et ce sont des propos qui m’engagent, l’État du Cameroun ne démontre aucune volonté politique pour rendre sa culture vivante, économique et industrielle. Vous l’avez mentionné et,’’j’admire votre courage’’ en disant que cet état que vous servez n’en fait pas assez. Non M. Bendegue, il faut aller plus loin : cet État ne fait rien du tout pour le développement de son économie ou de son industrie culturelle. Voilà.

Concernant la réalité non – Dit
le délégué,Vous auriez dû nous dire depuis le début de votre interview que le Cameroun étant sous ajustement structurel, l’État ne pouvait pas grand-chose pour développer le secteur culturel. Ce qui par ailleurs, est surprenant et, vos dires me surprennent un peu parce que le Cameroun a été éligible à l’initiative PPTE ‘’pays pauvre très endetté’’ depuis un moment déjà et que le fait que le Cameroun y soit admis, le retirait de facto des griffes du FMI donc, de l’ajustement structurel mais allons encore plus loin. Est-ce que le Cameroun a toujours été sous ajustement structurel M. Bendegue ? Il me semble que non et mieux, avant l’entrée du Cameroun dans les griffes du FMI, il était suffisamment riche et beaucoup de ceux qui nous gouvernent encore aujourd’hui étaient déjà dans les gouvernements précédents, du moins, depuis l’avènement du renouveau. Alors je ne sais pas si c’est moi qui réellement ‘’incarne la désinformation’’ ou alors, ce sont les politiques non mises en place qui s’auto désinforment M. Bendegue.

Donc, en nous confirmant que le Cameroun est sous ajustement structurel, je vous crois d’autant plus que vous êtes dans le système et je comprends que nous, du domaine de la culture, ne devons rien attendre aujourd’hui, ce que nous attendions hier et qui n’est jamais venu. Et, pour ce qui concerne les auteurs européens que vous citez, j’ai une logique simple, j’évite toujours de vouloir continuer à abrutir un peu plus mes jeunes compatriotes qui me lisent en leur ressassant les grosses citations des européens qui nous infantilisent encore plus. Non, je suis dans du concret surtout ‘’livresque’’ parce que seuls les écrits demeurent à la postérité.

©Tribune2lartiste|R.Bizo
©Tribune2lartiste|R.Bizo

Concernant le Terrain
Le terrain, je le connais, je le connais même très bien. Le terrain de la création artistique sur des plates formes boueuses, les tournées musicales dans les fins fonds des bleds camerounais. Oui, je connais ces moments intenses de galère des artistes interprètes camerounais invités et livrés à eux même par des pseudo organisateurs de spectacles dans des villes reculées du pays ou passe un véhicule de transport en commun qui va en dans la grande ville la plus proche, une fois par jour. Donc, ne vous inquiétez pas M. Bendegue, j’ai aujourd’hui dépassé l’âge de ‘’l’épate’’ et vous promets que j’ai été dans ‘’l’épate’’ de longues années durant au Cameroun et j’ai bien épaté la galerie. Non Monsieur, j’ai aujourd’hui l’âge de la raison.

Du fait justement d’avoir connu le terrain du spectacle vivant comme organisateur de spectacles ou de tournées en qualité d’autodidacte, j’ai voulu pousser le bouchon et loin de bénéficier d’une quelconque bourse ou d’une aide de mon pays, j’ai voulu apprendre. J’ai eu cette chance que beaucoup n’ont pas et là, je suis dans une phase de rétrocession. Je ne vais pas donner à mes jeunes frères des éléments erronés de développement dans le secteur du spectacle vivant mais du viable, du fiable, du palpable, du concret. De la méthode pratique de l’organisation d’un spectacle, d’un festival ou d’une tournée. C’est ma démarche et ma logique aujourd’hui. Le reste, les politiques à mettre en place sont de votre ressort, de vous qui nous gouvernez. Voilà M. Bendegue mon projet ‘’d’épate’’.

Concernant l’incarnation de la désinformation
C’est trop gros ce que vous avancez, j’incarne la désinformation, mais suis je aussi important pour cette noble tâche ? Non M. Bendegue non ! Dites nous tout cher monsieur, vous qui êtes sensé donner la vraie information. Lorsque je dis qu’au Cameroun, il n’existe aucune salle de spectacles en état de marche. Existe-t-il au Cameroun des politiques culturelles telles que vous l’imaginez dans certains pays que vous avez certainement visités ? Est ce une désinformation lorsque je dis qu’il n’existe pas de lois sur l’encouragement de la culture au Cameroun ? Est ce une désinformation lorsque je dis qu’au Cameroun il n’existe pas de possibilités de création d’un statut de l’artiste parce que les lois qui y concourent n’existent simplement pas ? Est ce une désinformation lorsque je le redis ici et vous le dites si bien, les efforts pour le développement culturel au Cameroun sont insuffisants et moi je dis, n’existent pas du tout ? Est-ce une désinformation lorsque je dis qu’il n’existe aujourd’hui aucune disposition de loi encourageante, permettant aux particuliers et privés de pouvoir s’investir dans le domaine culturel ? Dites le nous M. Bendegue que je fais un mauvais procès à vous et à l’État du Cameroun ainsi, je présenterais mes excuses à la jeunesse camerounaise parce que je l’aurais désinformée.

Reproches et Partenariat Public – Privé,
Je n’ai pas envie de vous renvoyer à ce que je désapprouve ici ‘’la désinformation’’ dans ma première réaction, et je l’ai relue, je ne vous fais pas de reproches particuliers sur le fait que vous n’invitez pas les opérateurs culturels à ne pas s’investir dans le milieu culturel au Cameroun et ceci pour plusieurs raisons mais passons. Parce que, M. Bendegue, mon propos était contre le fait que vous demandiez aux petites gens, ayant la possibilité de s’investir dans un débit de boisson, de le faire dans une opération coûteuse d’édification d’un lieu de spectacles si vous vous rappelez de vos propos et enfin, je le redis, vous faites bien de mettre en place ce rapprochement Public – Privé mais, sans une volonté politique de mettre en place des possibilité aux privés de s’investir dans un secteur sécurisé, encadré et à la rentabilité économique évidente, vous ferrez toujours choux blancs. Il faut des hommes, des textes et des idées pour faire un monde. Le Cameroun en a.

Ma conclusion
Bendegue, de mon côté, je vous conseille, avec votre permission bien entendu, vous qui êtes une autorité culturelle au Cameroun, profitant de ce que le monde soit en marche et perpétuellement en mutation, de proposer à votre hiérarchie de révolutionner complètement la politique culturelle camerounaise. Nous en avons les moyens ‘’matériels, intellectuels, financiers et artistiques’’. Rendez notre culture plus pragmatique, réaliste, économique, industrielle tout en respectant nos us et coutumes. Initiez cher monsieur, à Douala, ville dans laquelle vous êtes la première autorité culturelle, un, deux, voire trois projets culturels qui pourraient être pérennes en offrant aux habitants de cette ville un festival, une nuit de découverte des monuments et sites culturels de Douala, une nuit des lumières sur le grand boulevard de Douala, une exposition des peintres, des photographes ou même du film représentant les grands hommes politiques et culturels du Littoral et j’en passe, des projets. Je vous remercie.