Pourquoi celle de Rokia Traoré ne serait donc pas valable ?
Les éléments du dossier nous étant inconnus, et quand bien même. Mais surtout n’ayant ni autorité ni compétence de parler de la question de fond dans l’affaire qui concerne l’artiste-musicienne Rokia Traoré et la justice, nous avons plus été intrigués par deux éléments venant de son récit :
- Le juge qui a ordonné ma mise en détention à la prison de Fleury Mérogis m’a affirmé qu’une immunité diplomatique Malienne ne serait pas valable en Europe.
- Le policier à l’aéroport de Roissy m’avait indiqué que l’avocat général lui a dit n’avoir « rien à faire de mon immunité diplomatique »
Nous laisserons aussi de côté, la dimension féministe, pour dire notre sentiment d’injustice qu’on éprouve à l’endroit du traitement réservé à l’artiste. Le féminisme étant aujourd’hui très protéiforme et se présentant parfois comme le pendant féminin de la phallocratie, est devenu très complexe à cerner et à comprendre pour nombre d’individus, certaines femmes comprises. Par le refus de cette approche, nous espérons ainsi ne pas biaiser le débat, si tenté qu’il y en ait un.
Sur le premier comme sur le second point, quelques interrogations donc : quand est-ce que ou alors dans quel cas l’immunité diplomatique cesse de fonctionner ? Et vous l’aurez subodoré, la plus importante étant, que vaut l’immunité diplomatique en provenance d’un pays africain francophone aux yeux de l’Europe en général et aux yeux d’un avocat général et d’un juge français en particulier ? Sans même avoir les éléments de réponses à ces deux questions, le ton des avocat général et du juge résonnent et transpirent une telle condescendance, un tel mépris, qu’on est obligé de rappeler à la mémoire des uns et des autres, ce que Sophie Bessis, exprime en ces termes : «L’hyper puissance occidentale, qui se pose en horizon indépassable de l’idéal démocratique, fait en outre bon marché des exigences de ce dernier en édictant les règles qui lui conviennent pour punir ses ennemis ou justifier des faits de guerre peu compatibles avec le modèle qu’elle prétend incarner… »
On est en droit de constater que l’artiste Rokia Traoré semble subir une double peine. Celle d’être une femme (comme le soulignent certains propos féministes) ; mais surtout celle d’être une africaine, donc noire. Et cette double peine prend sa source dans l’idéologie de mépris que l’occident a toujours exprimé à l’endroit de l’Afrique. Sa condescendance, sa violence systémique vis-à-vis de ce continent particulièrement ne sont plus à faire. Edgar Morin ne rappelle-t-il pas : “La domination de l’Occident est la pire de l’histoire humaine dans sa durée et son extension planétaire.”
Nous ne défendons pas Rokia Traoré, parce que artiste-musicienne planétairement connue. Les violations des droits des noirs sans la même caisse de résonance que l’artiste étant une constante. Des milliers de noirs et d’africains qui vivent en Occident et dans le cas de l’Europe dans ces deux pays (Belgique & France), les subissent au quotidien dans une indifférence totale. Et c’est d’ailleurs par là qu’on reconnaît la force de l’adage : Un morceau de bois à beau séjourner dans l’eau, il ne deviendra jamais un caïman. Nous prenons fait et cause pour elle au nom de toutes ces victimes anonymes de cette idéologie haineuse, parce qu’une fois de plus, la France comme la Belgique, par cette attitude, revisitent brillamment leur classique d’un côté; et de l’autre, une belle leçon à l’endroit des africains qui devraient enfin comprendre le fonctionnement et ce que signifie l’appartenance à une communauté. En matière de solidarité, même quand leurs intérêts divergent, les européens savent se liguer contre un corps étranger. Alexis Tocqueville : “En politique, la communauté des haines fait presque le fond des amitiés” . Espérons donc que la justice vaincra et jaillira dans tous les volets que comporte cette affaire.