“POETIC TRANCE” de Aziz Sahmaoui, au-delà des sons.
A la question que nous lui avons posée : En quoi pensez-vous que votre musique est-elle dans l’esprit “Gnawa” ? Est-ce parce que vous en êtes un, ou pensez-vous qu’il y ait un esprit, une attitude “Gnawa” ? Aziz Sahmaoui répond : Tagnawite ou la musique des Gnawa fait partie de la culture maghrébine et africaine. Elle s’étend jusqu’au golfe persique et continue à souffler sur le monde. Tagnawite nous accompagne et fait partie de notre répertoire musical. C’est tout à la fois sacré et profane.
Des Gnawas, un musicien et de surcroît “étranger”, savait en parler et avait la justesse du propos. C’est le pianiste américain Randy Weston, qui nous a quitté en septembre dernier, il disait : ” Les gnawas, ils sont à la source de l’une des expériences spirituelles les plus fortes que j’ai vécues.”
De l’un comme de l’autre, on peut observer de ces propos, qu’au-delà de l’appartenance, il y a bien un esprit gnawa. La musique gnawa, comme le suggérait Miles Davis avec le jazz, est une attitude, un état d’esprit. Être gnawa serait donc aussi une attitude. Et comme chaque environnement, il a ses mystères, ses codes. Des codes sans lesquels, on ne peut prétendre s’imprégner d’une œuvre ou d’un produit qui en découle.
C’est cette mission que s’assigne depuis quelques temps, Aziz Sahmaoui, avec son University of Gnawa. Et cela fait dix ans que çà dure, avec 3 albums, dont le troisième est à paraître le 25 janvier prochain. Structuré en 9 pistes, qui renseignent également sur la conception que se fait également le musicien de son art, l’album puise d’abord dans son côté panafricain pour ouvrir vers. Osciller entre son héritage culturel traditionnel et celui capté dans ses rencontres avec l’autre. Une attitude mise en évidence dans la piste 2 (Nogcha-La peur) en dénonçant la peur de l’autre, comme l’ennemie de la raison, l’ennemie de l’ouverture, de la découverte…
La culture gnawa disons-nous, a ses codes; et essayer de les pénétrer comporte en même temps des avantages et des risques. Mais sans quelques éléments en sa possession, on ne saurait déchiffrer la portée des messages. A la pochette de POETIC TRANCE déjà, une observation s’impose : au-delà de l’exigence esthétique qui plaît à l’œil, c’est toute la symbolique des couleurs qui est frappante. Et en l’espèce, ce rouge vif qui vous interpelle avec insistance. Belle occasion ici offerte à tout un chacun, d’aller découvrir cette culture…nous restons dans la musique.
Si la musique gnawa et partant, le gnawa sont aujourd’hui perçus au Maroc d’abord et à travers le monde comme une valeur positive, il faut en partie rendre hommage au travail des artistes musiciens tels que Aziz Sahmaoui. Et celui de ceux qui avant lui, ont travaillé, bravant et défiant le mépris que la société marocaine réservait à cette population. Et POETIC TRANCE est un autre témoignage pour la défense de cette expression qui n’a pas encore fini de livrer les pépites en sa possession.
La fine équipe qui accompagne Aziz Sahmaoui (Chant, Mandole, Ngoni) dans ce projet : Alune Wade (Bass, voix), Hervé Samb (Guitare, voix), Amen Viana (Guitare, voix), Adhil Mirghani (Percussions, voix), Cheikh Diallo (Claviers, kora, voix), Jon Grandcamp (Batterie) et des invités Cyril Atel (Batterie) et Rime Sahmaoui (Voix).
En allant à la rencontre de la transe poétique que nous délivre Aziz Sahmaoui, on ne peut ne pas intégrer le propos du pianiste Randy Weston, pour une amorce de décryptage l’album dans sa profondeur et essayer d’accéder à cette dimension spirituelle. Une transe qui nous transporte en même temps dans le mystère et le spirituel, le jouissif et la légèreté, puis le sacré et le profane de la musique Gnawa.
En écoute, “Soudani Ya Yémma”