Peut-on exclure la scène de l’entertainment de nos jours ?

En admettant que tout Homme public est l’objet ou peut faire l’objet de tous les quolibets, de tous les outrages ; alors, il est donc logique que toute personne désignée comme telle, soit prête à assumer ce statut et ses effets. Sommes-nous d’accords avec cela ou pas, ceci semble ne pas compter et importe peu. Seule la règle de jeu s’applique.  Il est loin, le temps où la courtoisie et le respect de l’autre (même en n’étant pas d’accord) étaient désignés comme cadre pour un débat sain; sans être couvert de l’odieuse accusation d’être complice d’un tel ou d’un autre. Les temps changent nous dit-on.

Seulement, dans ce jeu qui semble ne pas avoir de limites (pré) établies, la seule qui aurait encore pu guider les uns et les autres pour rester dans une certaine mesure et aussi dans une intégrité intellectuelle, est la clairvoyance, en d’autres termes, la pertinence des arguments. Hélas, l’envie d’en découdre, de “tuer” l’autre à tout prix et par tous les moyens, prend très souvent le dessus, invitant le ridicule à noyer la petite lumière qui en nous sommeille, et nous exposer en dévoilant nos intentions longtemps inhibées. Aigreur, colère, envie, jalousie ? Difficile à savoir…

Et, au Cameroun, les dernières saillies de part et d’autres observées sur la toile, ont été une sorte de missel. Les unes envers le chef de l’État tout comme les autres envers l’artiste Richard Bona, sont donc à ranger dans cet esprit. Les pour et les contre de chaque camp s’étant longuement exprimés avec beaucoup de véhémence dans la plupart des cas. Laissons le soin au Temps de juger de la pertinence des arguments des uns et des autres.

Cet épisode aura au moins  eu l’avantage de pointer une fois de plus, le mal qui ronge la société camerounaise : Qui que vous soyez, n’attendez jamais recevoir la grâce aux yeux des camerounais ; en d’autres termes, nul n’est prophète au Cameroun. S’il existe une certitude, c’est bien celle-là. “Le Cameroun c’est le Cameroun“, a-t-on pris l’habitude de dire, histoire de renforcer cette coutume sacrificielle des icônes chez nous.

En cherchant à dire sa désapprobation des injures inadmissibles du bassiste Richard Bona envers le chef de l’État du Cameroun, Marco Mbella, dans son pamphlet, avec beaucoup de brio et forcément malgré lui, a aussi mis en évidence, une tare bien de chez nous : Ne pas savoir reconnaître le mérite de l’autre, même si on n’est pas d’accord avec lui. Une aventure éristique, une sortie hasardeuse qui, pour échiner le bassiste, a pris les mauvais arguments ; trahissant au final, les réelles intentions de son auteur. Des propos du bassiste qui, soulignons-le une fois de plus, sont inacceptables, d’une violence inouïe et irrévérencieux, qui laissent à poser de multiples questions. Des propos hautement et fortement condamnables.

SAM_5391_Edited

Aminata Traoré :”Les mêmes mains qui vous applaudissent quand vous montez sur le trône, sont celles-là qui applaudissent également quand vous chutez ” et modestement, nous rajouterons à cette citation: “sont celles qui parfois vous aident à chuter“.

 

Seulement, sortir du cadre, mieux, se saisir de ce tremplin, pour aller sur un autre cadre avec une faiblesse argumentaire, a des risques, que l’auteur n’a peut-être pas pris en compte. Attaquer Richard Bona sur le plan musical s’apparente à une anomie, celle-là qui hélas, caractérise notre société. Il n’est pas question ici de dire, de ne pas le contredire voire de ne pas lui appliquer la tacite règle mentionnée en début de propos. Mais, lorsqu’on entreprend la démarche de le fustiger, il faut lui opposer des arguments valables, bien choisir son angle d’attaque ; de peur de perdre toute crédibilité et de se rendre vraiment ridicule aux yeux de l’opinion.

Faut-il rappeler que, les grands noms parfois cités par certains pour montrer qu’ils écoutent de la Grande Musique, ces musiciens d’ailleurs qui habitent notre inconscient ont et sont en admiration devant Richard Bona ? De Quincy Jones en passant par Stevie Wonder etc…Oui, en admiration pour le très grand musicien et pas seulement bassiste. Et qu’on le veuille ou pas, si on l’insère dans le triangle national, il est, par les chiffres alignés (des indicateurs objectifs), ce qui se fait le mieux et de loin. Qu’on circonscrive son action sur le plan international, il y a peu d’artistes qui peuvent prétendre aligner les mêmes chiffres ( Et tout ceci est vérifiable). Les seuls concerts de l’année en cours de Richard Bona, sont pour certains, le total de toute une carrière ; et ceci n’est même pas une garantie. Sur le plan qualitatif, certes subjectif, il faut vraiment être dans une posture, dans l’aveuglement total, pour le contester en bloc.

Les pourfendeurs d’Amadou Ahidjo (premier président du Cameroun) hier, le hissent aujourd’hui au rang de héros pour montrer les failles de Paul Biya. Pour fustiger Milla Roger, on adoube Samuel Eto’o, Manu Dibango  est pris en exemple pour attaquer Richard Bona et ainsi de suite…selon les besoins, on retournera les cas, on jouera selon les convenances; parce que, cela arrange sa vérité à soi. Oubliant pourtant que chacun a ses mérites, ses qualités et ses défauts. Et ce n’est pas en les opposant de la sorte qu’on résout le problème. Mais en reconnaissant que malgré ce qui fait leurs forces et/ou leurs faiblesses, ils sont qu’on l’admette ou pas, les dignes représentants d’un même pays, qu’est le Cameroun.

C’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon, nous enseigne l’adage. En usant donc des mauvais arguments pour s’en prendre au bassiste Richard Bona et par la même occasion, confirmer ce mal qui ronge la société camerounaise (refus de reconnaître que son voisin, peut être meilleur que soi, sans que cela puisse être un problème ou une non affirmation de soi), Marco Mbella a fini aussi par exposer ces saltimbanques qu’on ne voit nulle part sur scène. Ces personnes aux 3 notes et zéro concert (pour reprendre son expression à Richard Bona). Ces tabarins qui polluent le débat au sein du ministère de la culture, sur le droit d’auteurs etc… alors qu’ils n’ont aucune réalisation scénique avec un impact national ancré et encore moins mondial. De nos jours, le monde de l’entertainment musical ne se contente plus de quelques notes mises dans un support pour prétendre se dire artiste-musicien ; il se revendique de plus en plus vivant…Et la scène (pas les playbacks dans les fêtes du village, du quartier etc…) est sa tribune, la mieux indiquée.

Comme il est aussi dans ce même Cameroun, et c’est tout le cocasse, pour ne pas dire le paradoxe de l’affaire, “lorsque ton frère/ta sœur est plus fort(e) que toi, porte sa chaise“. Ceci n’enlève en rien, tes mérites à toi !