Michael Jackson : le combat contre l’insondable cruauté.

Lorsque l’on parle des États-Unis, il parait important, je dirai fondamentalement essentiel de ne pas évacuer, l’idée que toutes les belles histoires qui s’y écrivent, ce que l’on qualifie de rêves américains, ont comme toile de fond, ce que l’historienne et écrivaine afro-colombienne Amelia plumelle Uribe a décrit dans un ouvrage dont le titre est : « la férocité blanche ». Ne pas tenir compte que tout ce qui se déroule dans cet espace a comme substrat l’idée d’une certaine idéologie de domination blanche encore agissante malgré l’autre grande (vœu ou fait réel ?)page d’histoire écrite depuis novembre dernier avec l’accession au pouvoir de Barack Obama, ne permet pas de saisir toute la dimension de ces « success stories » dont les fins sont écornées pour certaines par une main invisible et d’une insondable cruauté.

Il en va ainsi pour Michael Jackson.
Est-ce aussi un hasard si, dans l’océan de réactions qui suivent le décès de ce visionnaire qu’est Michael Jackson, celle du révérend Sharpton est à mon sens la plus accomplie et la plus proche du préalable posée lorsqu’il affirme : “Bien avant Tiger Woods, avant Oprah Winfrey, devant Barack Obama, Michael a fait avec la musique plus tard ce qu’ils ont fait dans le sport et la politique et à la télévision
Le guerrier ne trouve le repos que le jour de sa mort, nous dit l’adage. Nous espérons donc que depuis jeudi dernier, Michael Joe Jackson a enfin trouvé le repos qu’il mérite en tant que guerrier;mais surtout parce que proie, victime de cette Amérique dont l’idéologie ambiante ne supporte pas que ce qui ne s’inscrit pas dans ses gènes, ce qui lui résiste. Ne demandait-il pas dans une de ces chansons « Leave me Alone », las de cette prédation dont il était la cible.

Une Idéologie qui ruse comme à son habitude : Joe Jackson le coupable

Comme les sœurs Williams, Michael Jackson a eu le tort d’avoir comme père, Joe Jackson. Il (Michael) est brillant, un génie tout ce que l’on veut, mais et il nous est également difficile de choisir entre grâce ou à cause de son père. Voilà ce que cette idéologie voudrait que l’on retienne du « tragique » de l’artiste. La même accusation a été portée à l’endroit du père des brillantes sœurs Williams qui, au sommet de leur art, pour ternir, amoindrir la portée de leurs actes, est décrit comme un tyran. Pour ne pas avoir à s’interroger sur elle-même et sur son propre rapport à une certaine catégorie de sa population, l’idéologie prédatrice procède par le même mécanisme : la culpabilisation de ses victimes. Michael Jackson nait dans une famille qui compte près de 10 enfants et dans une Amérique qui suinte une négrophobie agissante, norme instaurée par l’idéologie dominatrice blanche. Un pays dans lequel, comme le rappelle James Baldwin, « Les Noirs de ce pays, …, doivent, dès le premier instant où ils ouvrent les yeux sur ce monde, apprendre à se mépriser ». Pourquoi ? Est la suite logique que tout individu doué d’un minimum de bon sens doit se poser comme question. Et la réponse est sans équivoque. C’est donc dans une telle Amérique, celle qui pousse à l’autodestruction parce que « noir », que Joe Jackson doit élever ses enfants parmi lesquels le prodige Michael. Lorsqu’on a fait l’analyse de cette société là, peut-on venir faire le reproche à un parent « noir » dont le seul souci était le bien-être de sa progéniture, même si un des enfants s’en “plaint” dans une société où d’avance vos codes sont définis et les défier est une prise de risque dont on doit assumer les conséquences?

Derrière la volonté qui animait Joe Jackson de voir ses enfants réussir, pour finalement échapper à la condition, à la destinée établie par l’idéologie, le père Jackson prenait un risque, celui de défier les postulats auxquels les populations noirs sont assignées. James Baldwin rappelle encore :«…l’enfant à un sort auquel….Il doit être “sage“ non pas seulement pour faire plaisir à ses parents et pas non plus seulement pour n’être point puni par eux ; derrière leur autorité s’en dresse une autre anonyme et impersonnelle, infiniment plus difficile à satisfaire et d’une cruauté insondable ». Ceux qui ont le toupet, l’outrecuidance de juger Joe Jackson ce père dont l’objectif était d’extraire sa progéniture des griffes d’une condamnation prononcée d’avance parce que noir dans une Amérique qui ne se reconnaissait pas dans tous les panels de couleur de sa population, dans le contexte que l’on connaît, font symétriquement la démonstration de leur profonde pusillanimité à interroger leur propre société et les mécanismes qu’elle déploie pour broyer une frange de sa population.

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Michael Jackson : le crime de lèse majesté.
S’il n’y aucun doute pour personne sauf peut-être pour ses détracteurs idéologiques, que Michael Jackson Est l’artiste le plus doué du siècle passé et celui-ci, il n’en demeure pas moins vrai que c’est dans cette nature même qu’il faut également trouver l’une des causes sinon la cause principale de ses tribulations ou du tragique de l’homme, pour reprendre le propos du président Barack Obama. Encore aujourd’hui plus qu’hier, une interrogation taraude mon esprit. Quels chiffres, mieux, quels critères permettent de hisser au rang de « “king“, “roi“ etc…un artiste ? Qui décrète au final que tel est “king “ ou pas ? Dans la naïveté qui est la nôtre, il nous semblait que les chiffres seuls étaient sensés être objectifs pour permettre une certaine hiérarchisation, mais que nenni , puisqu’il faut contester la domination sans nulle comparaison de Michael Jackson sur les autres, dont ceux de l’idéologie en particulier.

Beaucoup de titre de journaux télévisés ou papiers ont attiré l’attention des inconditionnels et autres gens qui aiment l’artiste, dont un particulièrement : “ Michael Jackson : le roi de la pop déchu“. Même de son vivant, tout ce qu’il a fait a suscité de la part de l’idéologie, une controverse dont l’ultime but était de minimiser, de minorer la portée de cet artiste hors du commun. C’est ainsi que la controverse autour du titre de « roi de la pop » « King of the pop », de la position de ses bras en imitant le christ (comble de l’ignominie et du ridicule de cette idéologie raciste blanche) etc…ont toujours été présentes. Ce qui encore aujourd’hui,suscite des interrogations sur les réelles motivations de ces personnes qui se privaient ainsi d’admirer le talent, le travail, le génie et la grâce s’exprimer en l’artiste.

Maintes fois a-t-on entendu, lu et vu un peu partout dans cette presse idéologique, le procès fait à l’artiste de s’être autoproclamé roi de la pop ? Mais qu’y avait-il ou qu’y a-t-il de dérangeant que Michael Jackson soit « king of the pop » et même s’il s’est autoproclamé ? Qui doit le décider ? Et les chiffres records alignés alors ?

Nous le disions en préambule, les histoires de rêves américains, lorsqu’elles concernent les noirs surtout, il faut savoir les lire en ayant en toile de fond, l’idée de la domination idéologique qui ne supporte pas désobéissance à ses codes.

En déclarant en juillet 2002, je cite :”Les maisons de disques complotent vraiment contre les artistes, en particulier les artistes noirs“, Michael Jackson ne nous apprenait plus rien. On ne lui fera pas non plus le procès de ne le déclarer que lorsqu’il a fallu qui le vérifiât à son compte ? Mais dans cette déclaration ou dénonciation, réside la réponse aux interrogations posées au paragraphe ci-dessus. Si on sort du cadre du disque, on pourrait étendre ce constat à tous les domaines et au-delà des frontières des États-Unis.

De tout temps, spoliation et vol des œuvres d’artistes noirs sont une constante dans le long parcours qui jalonne l’Histoire de l’humanité et l’industrie du disque ne pouvait pas déroger à cette tendance et pour cause, le talent musical (pour ne rester que dans ce domaine) des « noirs » est une grosse poule aux œufs d’or.

Malgré l’argent que rapportaient ces musiciens noirs, il reste une vérité qui est : cette musique est une musique de « noire ». C’est logiquement que pour la sortir de sa « noirceur », il lui faut trouver un roi blanc, celui que le monde devra considérer comme la norme. James Brown par exemple était le père de la soul, mais pas son roi et c’est là toute la subtilité. Les Little Richard, Chuck Berry et j’en passe sont les pères du rock, mais ils n’en sont pas les rois ou le Roi. Michael Jackson king of the pop ne peut que déranger et pourquoi ? Puisqu’entre temps, l’idéologie avait intronisé une tricherie, une usurpation, une imposture dont le nom est Elvis Presley…Comme dans le football, à Edson Arantes do Nascimento dit Pelé, l’idéologie a vite fait de trouver un Pelé blanc: Arthur Antunes Coimbra, dit Zico. Une idée et initiative françaises pour le coup, selon le concerné.

Là où la dimension de Michael Jackson est historique et prend toute sa signification, c’est que par les chiffres qu’il a alignés, sa vision, sa magie, son don venu de là haut, sans aucune violence, il a réussi à reprendre la couronne volée quelques années auparavant à ses illustres ainés.

Par son génie et sans le vouloir il a commis le crime de lèse majesté. Il a fait bouger toutes les limites et déplacer le centre d’intérêt jusque là immuable au point de soumettre le monde entier à la grâce de ses gestes, à la beauté de ses mots et à la magie de sa musique. Tous les records sont pulvérisés, il fait subir à la musique tous les meilleurs tsunamis que l’on peut imaginer et pourtant, il n’est pas autorisé à être le “King of Pop“. Il montre la vanité de la négrophobie qui rongeait encore les cœurs et les esprits de l’idéologie lorsque MTV, jusque-là interdit aux « noirs » se résout à s’incliner devant sa grâce. Oui ! Michael Jackson comme ses illustres ainés a combattu à sa manière à déblayer le chemin des libertés des noirs.

La Cruauté insondable de cette autorité impersonnelle et anonyme
Rappelons-nous cette belle phrase de l’un des plus grands écrivains américains James Baldwin qui nous indique que chaque enfant noir américain se devrait d’être sage, non pas par peur du châtiment du père, mais parce que derrière chaque autorité d’un père noir, il y en avait une autre, anonyme, impersonnelle, infiniment plus difficile à satisfaire et d’une cruauté insondable.

C’est cette autorité qui, une fois de plus s’est acharné sur Michael Jackson comme un prédateur sur sa proie, pour le broyer parce qu’il en ait ainsi des combattants de la liberté, parce que Michael Jackson s’est montré insoumis à une certaine logique. On profite de son talent, qui l’ extirpe des griffes de la précarité à laquelle sa famille et lui se seraient englués sans la force de caractère de son père et de sa mère, pour l’accabler.

On profite de ses « amours » pour le calomnier, le salir pour ensuite le plumer.
Aucun autre artiste au monde n’a tant fait pour les enfants comme l’a fait Michael Jackson. Lui qui en a été privé par la réalité américaine qui a forcé à exprimer la précocité de son talent et lui voler les instants privilégiés de l’enfance. Dans ce manque, Michael a essayé tant bien que mal d’y plonger par ses chants, ses actes en direction de l’enfance. C’est là où l’anonyme et impersonnelle cruauté a choisi de frapper pour l’atteindre, pour le punir pour avoir osé la défier. Il a défié les postulats des Blancs pour parler une fois de plus comme James Baldwin et ce faisant, s’est placé sur la ligne de mire des forces de destruction.

Pour une grande partie de l’humanité, celle qui a compris que même le changement de pigmentation (conséquence d’une maladie=vitiligo) de Michael Jackson, n’aurait été en réalité que l’image que lui renvoyait la Société qui l’a vu naitre, c’est-à-dire le mépris de soi lorsqu’on est noir, ce qui importe est la portée de ses actes en tant qu’artiste et en tant que homme tout court. Et dans ce sens, Michael Jackson est le KING à tout jamais de la musique dont nous parlons et ce n’est pas parce que le monde ou certains l’ont décidé mais parce qu’il était et est ainsi.
Espérons que l’un de ses vœux les plus chers sera enfin exaucé : “Leave me alone“. Le laisser tranquille comme il nous le rappelait et lorsqu’on voit combien de fois le mot « Alone » a été utilisé par lui, on se doit de respecter cette demande, d’exaucer cette prière.

*Les extraits de texte de James Baldwin sont tirés de « La prochaine fois le feu »