Woré Ndiaye Kandji accuse, :”Nous sommes coupables”

wore-n0Présentation de l’auteur
Je suis née à Brazzaville au Congo de père Sénégalais et de mère Congolaise. Ma famille est retournée au Sénégal lorsque j’avais un an. Mais ma connection avec le Congo est très forte et j’y suis retournée à l’âge de 16 ans pour découvrir une autre partie de moi qui était restée au pays de Lumumba et de Mbilia Bel. Je suis mariée depuis une dizaine d’années, mère de deux enfants. Je vis aux États-Unis où je suis spécialisée dans la responsabilité sociale des entreprises et dans la viabilité environnementale, particulièrement dans la vente des produits dérivant du Fair Trade.

Qu’est-ce qui a inspiré cette œuvre ?
J’ai entamé ce livre il y a exactement 10 ans. A l’époque j’étais enceinte de mon premier enfant. Et je pensais donc à toutes le leçons que j’avais apprises de ma mère et que je voulais remettre à mon enfant.  Cela faisait le compte car Je venais d’avoir 25 ans et avais envie de faire mon petit bilan d’un quart de siècle. De fil en aiguille toute une panoplie de leçons se sont déversées sur ma mémoire. J’ai entamé de les répertorier sur une feuille. De là est né le gros de « l’Art d’Etre femme » qui était le titre que j’avais gardé pour mon livre.  Le concept était que j’avais compris que toute la formation que j’avais eue de ma mère , une formation très rigoureuse et intense, avait pour but de me préparer tout simplement entre plusieurs rôles, à être mère. Une mère modèle. Mais en y voyant plus clair,  je m’étais rendue compte que cette perfection de l’éducation de la jeune fille ne s’arrête pas seulement à son entourage. Cela bénéficie toute une nation. J’ai donc usité de tout un bagage intellectuel pour étudier les implications sociales, politiques et économiques de ce concept. En fait c’est devenu vaste ; un travail grandiose. D’une toute petite cellule nucléaire, je me suis retrouvée avec un travail incommensurable.

La matérialisation de l’œuvre.
J’ai écrit le livre entre 2001 et 2004. Puis je l’ai envoyé aux maisons d’Éditions entre la France et le Canada qui n’étaient pas convaincues de ma thèse. Parce que la forme même du  livre était un essai . Or les gens se demandaient qui est cette personne ? trop jeune pour pouvoir se permettre de faire une analyse pareille.  Sur  quoi se base-t-elle pour déverser autant de vérités ? Quel est son bagage de vécu ? Pour qui se prend-elle pour dire tant de choses ? J’en avais fait exprès un essai différent. Parce que je voulais que les femmes le lisent,  je ne voulais pas respecter la forme universitaire d’essai avec les références et trop de chiffres statistiques qui auraient rendu le livre trop froid avec une apparence de revue économique. Cela les maisons d’Édition ne le comprenaient pas non  plus.

Alors j’ai laissé le livre se reposer dans mon ordinateur. Pendant 5 ans je n’y ai pas touché. En Mai 2009 , une amie d’enfance de mon époux nommée Yakham Thiam, journaliste à la télévision nationale Sénégalaise et qui anime justement une émission appelée « Créart » était venue passer quelques jours chez  moi. Il faut dire que ma passion pour l’écriture est quelque chose que je gardais discrètement. Un jour que Yakham fouillait dans ma bibliothèque pour se trouver quelque chose à lire elle a choisi un ancien magazine Amina. En le parcourant des yeux, elle est tombée sur un article que j’avais écrit car je contribuais de temps en temps dans ce magazine. En le lisant, elle était stupéfaite de mon talent et m’a demandé si elle pouvait utiliser un des passages du texte dans une de ses émissions. Elle voulait lire d’autres textes que j’avais écrits. Je lui ai alors dit que j’avais écrit un livre. « Un livre ? » , me demanda –t-elle ébahie. Je lui ai dit que oui. Elle m’a demandé de le lui faire lire. J’ai fait courir Yakham. Elle est rentrée sur le Sénégal au début du mois de Juin. Entre Juin 2009et Janvier 2010, Yakham m’a envoyé un message au moins une fois chaque deux semaines. Ou lorsqu’elle nous appelait pour prendre de nos nouvelles, elle me glissait très souvent  « Alors , tu m’envoies quand le livre ? »

Je n’avais juste pas envie de me faire rejeter une  fois de plus. Je savais que le problème ce n’était pas mon aptitude à manipuler la diction française. C’était beaucoup plus pour le lecteur de se connecter au fond de mes idées. D’accord ou pas d’accord,  là n’ était pas le problème. C’était plus de suivre le fil des  idées et de s’identifier à ce qui se dit. Elle a envoyé le livre à deux maisons d’Éditions au Sénégal et en Avril 2010 l’une des maisons d’Édition avait répondu favorablement.  Ils  avaient expliqué néanmoins que leur maison d’Édition attendait de recevoir un fond d’aide de la part du chef de l’État. En attendant le financement du livre et l’avis de la seconde maison d’Édition, j’ai rassemblé le courage de voir si d’autres maisons d’Édition seraient intéressées. C’est alors qu’un ami à moi m’a mise en contact avec le professeur Mahamadou Lamine Sagna de l’université de Princeton qui jusque-là était le directeur de publication de la maison des Éditions Phoenix. Ils ont aimé et compris le livre sur le coup et lui ont donné un titre « nous sommes coupables » que j’ai approuvé.

Contexte de rédaction : dans quelles conditions ou situations avez-vous rédigé ce livre ?
Pendant tout ce temps, j’ai reçu des conseils d’une amie qui m’a dit qu’elle pensait que je ne pouvais pas laisser les lecteurs lire le livre comme cela car entre 2005 et 2010, 5 années s’étaient écoulées et j’avais forcément gagné d’autres connaissances que je devais absolument partager. Ce que j’ai également fait. Puis au moment de publier le livre en Décembre 2010, une autre controverse s’est étalée. La maison d’édition était partagée entre certaines personnes qui pensaient que je devais laisser le livre aussi cru avec ma voix directe et un autre camp qui pensait que je devais créer un chapitre, juste un chapitre pour couvrir ma voix et dire ce que je disais sous la couverture d’un personnage. En y réfléchissant bien, j’ai choisi de changer la forme du livre et voilà « Nous sommes Coupables » s’est retrouvée avec une forme dont je suis très fière.

Anecdotes et coulisses de l’œuvre.
Je peux dire que ma vie est entourée d’anecdotes. Ce ne sont pas les anecdotes qui manquent aux étapes que ce livre a traversées pour être ce qu’il est devenu. Après tout ce que je viens de raconter comme perspectives, la plus grande anecdote est que c’est un livre qui a attendu 5 ans pour paraître au moment opportun. Mon cas me rappelle celui de Eve Ensler, l’activiste et fondatrice de V-Day qui au début du millénaire était revenue d’Afghanistan avec des articles portant sur la maltraitance des femmes Afghanes. Personne ne voulait reconnaître ses écrits. Tous les journaux l’ont rejetée car personne ne voyait la corrélation entre un pays aussi pauvre et repoussé que l’Afghanistan et les États-Unis. Jusqu’à ce que les attentats du 11 Septembre eurent lieu pour que les Média comprirent enfin que nous sommes tous liés d’une façon ou d’une autre. Dans mon cas,  les gens n’ont compris mon point que lorsque l’affaire de la Tunisie a éclaté ces derniers mois ; suivie de l’Égypte puis du couple GBagbo , la question étant à quel degré la femme d’un leader est-elle impliquée dans le destin du pays que son mari dirige ? Par la même occasion , les femmes étant elles aussi des leaders au sein de leurs foyers respectifs , comment échouons-nous très banalement et dans nos choix de tous les jours dans ce colossal travail de faire de nos concessions des repères ? Et donc la somme de nos concessions constituant un État et toute une nation, comment participons-nous dans une mouvance collective à détruire nos pays et notre continent ?

Wore NdiayeUn petit résumé de cette œuvre.
Nabou Camara, professeur de Français dans une des régions du Sénégal, reçoit chez elle une jeune fille nommée Ganegui et qui est supposée être la meilleure amie de sa fille qui vit au Canada. Ganegui était juste de passage et oublie son classeur dans lequel elle griffonne ses idées . Nabou garde le classeur et lit tout ce qui y est écrit. Les réflexions de Ganegui, profondes et poignantes, transforment  la vie de Nabou, Il suffit de se laisser aller pour s’ouvrir au monde.