“Vodou,la forteresse d’espérance”

Entre fantasme et délire, le mot a toujours suscité une certaine excitation dans certains esprits. Dans l’imaginaire des uns, on continue à lui prêter des vertus maléfiques, héritage d’une propagande esclavagiste et post coloniale.

Cependant, de plus en plus de voix ne cessent de s’élever pour tordre le coup à cette campagne de dénigrement multiséculaire et restituer la vérité des faits. C’est dans cette perspective que s’inscrit Micheline Adjovi et son “Vodou, la forteresse d’espérance

Présentation  de l’auteur

La Béninoise Micheline Adjovi est juriste de formation et  titulaire d’un DESS en Gestion de  projets et Développement local obtenu à  l’université  d’Abomey  Calavi. Cette passionnée  de la culture africaine est auteure de plusieurs titres à  succès, dont l’emblématique : “Vodou, la forteresse  d’espérance“.

Micheline Adjovi



Qu’est-ce qui a inspiré  cette œuvre ?

La trame de Vodou, la forteresse  d’espérance  est inspirée  d’un cas réel  dont j’ai été un témoin privilégié à  Ouidah, ma ville natale, dans le Bénin  méridional.  Choquée et traumatisée par la violence de l’enlèvement spectaculaire de la jeune étudiante Doudédji au couvent,  j’ai suivi de près  la victime devenue héroïne gravir tous les échelons de la société initiatique sacrée et celle scientifique moderne  pour se hisser, heureuse et épanouie, au sommet de la pyramide sociale. 
 
Pourquoi ce roman et dans quelles conditions ou  situations l’avez-vous  rédigé ?


Je ne peux dire avec précision pourquoi un enlèvement  initiatique, vieux de plus de 30 ans, me taraudait, sans répit, l’esprit?  Ce dont je suis certaine, c’est que  toute la scène de ce kidnapping, sans précédent, défilait  assez  clairement  sur mon écran  mental. Je revois les visages défaits des parents, alliés et de tout le  quartier,  sous le choc. C’est sans grand effort  que je me suis rappelée de la grande amertume et du désarroi psychologique  de la mère Bilé qui n’a que Doudédji, sa fille unique; le seul enfant parmi la douzaine d’un père polygame qui a pu accéder à l’université. Celle-ci était en faculté des sciences techniques (FST), 2ème année, de l’université  nationale  du Bénin  au moment de son internement forcé au couvent. Tout le monde pensait que c’en était  fini pour l’étudiante ; que son avenir serait réduit à  néant et sa carrière professionnelle vouée à l’échec. C’est  pourquoi,  je me suis permise, en tant qu’initiée, de partir du néophyte jusqu’à sa consécration en passant par son enlèvement et les conditions de son internement pour aboutir à  l’éclosion de sa vie professionnelle de chercheur en sciences et techniques.

Anecdotes et coulisses  qui entourent cette œuvre.

Les inquiétudes, angoisses et peurs du début ont été  toutes noyées, à  l’arrivée, dans les honneurs. C’était  l’apothéose.

En réalité, suite à  la colonisation avec comme corollaire la scolarisation et l’assimilation, la plupart des scolarisés  éprouvent  de l’aversion pour l’instruction ancestrale. Aussi, faudra-t-il, à  chaque fois, contraindre ou surprendre les aspirants désignés. Doudédji  en tant  qu’étudiante ne se sentait nullement concernée par la succession de sa grand-mère. A l’une de ses cousines  qui lui conseillait  de se mettre à  l’abri du commando des kidnappeurs, elle répond :
« Pourquoi fuir ? Si c’est de la succession de Grand-mère qu’il s’agit, je ne suis nullement concernée. Mes tantes attendent d’être départagées. Tous ceux qui réfléchissent bien, peuvent imaginer ceux qui sont destinés au couvent et ceux qui en sont exemptés. Je suis étudiante. Aucun recruteur n’oserait toucher un seul de mes cheveux. L’université ne rime pas avec Vodou. Tous les pagnes du marché ne valent pas le même prix. »

Mais pour Daah Zanmènou, son grand oncle : “Il est temps d’ouvrir aux chercheurs et universitaires la porte d’immersion dans nos traditions en vue d’offrir à l’humanité une autre alternative du développement. Il y va de la valorisation de notre culture, de la préservation de l’environnement et du rayonnement de l’africain.

« L’initiation est la conscience de la science; et le seul grand risque d’être adepte Vodou est de s’éveiller à la vie en réalisant pleinement sa destinée tout en offrant du sien à l’humanité », complète – t-il.

Il s’ensuit un dialogue  intérieur avec Doudédji:  ” Me laisserai-je assez facilement consacrer au Vodou? Je vais me battre pour mon idéal. Je résisterai à  ce triste sort. Te battre ? Oui, c’est courageux de combattre l’injustice. Mais contre qui feras-tu ce corps à corps? N’est-ce pas absurde? Dire que tu aimes ta grand-mère, prêtresse Vodou; qu’elle est ton idole, ton coach, ton mentor; et maintenant que tu as l’opportunité  de prendre le relais et de tresser, à sa suite, de nouvelles  cordes, tu veux combattre  ta culture. N’est-ce pas toi qui n’est plus sincère envers toi-même ? As-tu toujours toute ta lucidité  en place ? La frivole  modernité  n’a-t-elle pas réussi à  inoculer  dans ta conscience plus de trouble que d’ordre?

Ayant fini par se rendre compte de l’immensité, la luminosité et la scientificité de sa culture, Doudédji finit par accepter sa nouvelle vocation : « … j’ai pris conscience de la primauté  de mes Aïeux. Noirs, ils étaient et Noire je suis. Il ne m’est plus possible de continuer à  m’opposer à  moi-même. Je suis d’origine  Vodou. Je suis Vodou. Comme le poisson dans l’eau, j’y suis immergée bien avant ma naissance. J’accepte  de descendre dans les profondeurs de mes origines pour réapparaître renouvelée et transfigurée tel l’astre diurne, dans tout son éclat.»
 

Est-ce vrai qu’être adepte Vodou n’empêche pas d’aller à  l’école ?

Je pense qu’il n’y a aucune incompatibilité entre les deux systèmes. D’ailleurs, la meilleure combinaison, c’est lorsque le savoir s’allie harmonieusement avec la connaissance. En réalité, les chercheurs découvrent des lois et principes qui existent déjà dans le monde spirituel et dont l’élaboration scientifique permet à la technique de l’appliquer pour l’évolution de l’humanité.
C’est pourquoi les savants et les inventeurs sont souvent de nouveaux ou d’anciens initiés qui reviennent réaliser dans la matière tout ce qu’ils ont déjà connu dans le plan spirituel. Si ces phénomènes n’existaient pas déjà dans le monde subtil, il n’y aurait aucun moyen de découvrir quoi que ce soit sur le plan physique. Ce qui veut dire qu’il y a encore beaucoup à découvrir et à expérimenter. Les pays africains dont le Bénin ne pourront être au rendez-vous de la marche de l’humanité que s’ils se décident à financer eux-mêmes l’éducation en y apportant de profondes réformes. Si c’est la science et la technique qui font progresser le monde, il est indéniable que là où se trouve le progrès, il y a absolument Vodou en avant-garde.


Un petit résumé

Vodou, la forteresse d’espérance est l’histoire d’une jeune étudiante en sciences  techniques  qui a été consacrée prêtresse  Vodou. Du retour de couvent, elle poursuit ses études  qu’elle finit brillamment et est recrutée par le CRESENA, entendez : centre de recherches en sciences endogènes appliquées. L’objectif  du CRESENA est de puiser des inputs dans la science africaine pour résoudre  les grands enjeux du continent. La compétence et le savoir-faire avéré de la prêtresse, lui ont permis de contribuer efficacement  à l’exploration  de nouveaux  domaines et à  obtenir des résultats  probants, toutes choses qui ont favorisé la visibilité et renforcé  la notoriété  du centre.


En conclusion, j’affirme que l’Africain et le Béninois en particulier, a de profondes raisons de garder espoir en l’avenir s’il s’approprie et assume sa spiritualité originelle, vaste territoire illimité de sciences et de connaissances.  Le monde Vodou est une forteresse d’espérance où des solutions existent pour toutes situations aussi délicates qu’elles soient. La cosmogonie Vodou est entièrement et totalement au service et au bénéfice de l’homme pour sa liberté, son épanouissement et son progrès.