“When The People Move, The Music Moves To”, l’album qui raconte Meklit et réaffirme son indéfectible attachement à ses origines éthiopiennes.

Introduisons notre propos, par cette formule de Randy Weston, au sujet du jazz, qui affirme donc : « (…). On montrait que cette musique qu’on appelle le Jazz, c’est de la culture africaine en Amérique. A l’époque la plupart des historiens ne voulaient pas en entendre parler: Ils voulaient que le jazz commence à New Orléans. (…) ; les racines du jazz remontent à des milliers d’années et viennent des anciennes civilisations africaines. »

Les rythmes africains ne sont donc, par définition, pas antinomiques au jazz, comme le laissent toujours insidieusement suggérer, dès lors qu’il s’agit de présenter, un ou une artiste africaine ou d’origine africaine dans ce registre, les écrits des uns et des autres. Et les incorporer dans le « jazz » n’est en rien un signe de modernité ou d’ouverture ; mais appartient à l’ordre des choses. Et ce jazz, trempé dans ce qu’on présente comme sonorités africaines ou rythmes africains, prend alors toute sa signification dans cette rencontre. Du jazz dans sa plénitude. Ceci est d’autant plus valable, lorsque l’artiste réside dans le pays où l’on voudrait que le jazz fût né et est africainE. Il en est ainsi de Meklit Hadero. Ce qui d’ailleurs rapproche l’éthiopienne de son illustre aîné Randy Weston dans leur approche du jazz, puisque puisant dans les deux sources africaine et américaine. Randy ayant lui, vécu en Afrique et étudié en profondeur les musiques africaines.

Avant d’accoler quelconque épithète à sa musique, il faut intégrer le fait que Meklit fait d’abord du jazz, et celui-ci s’inspire, se nourrit de ses substances originelles, et dans son cas, de son Ethiopie natale. Bien que partie de son pays à l’âge de deux ans. Elle a bien assimilé le dicton qui dit : Le tronc d’arbre aura beau séjourner dans la rivière, il n’en deviendra pas un crocodile. Il reflétera peut-être les influences de la rivière, mais ne deviendra jamais crocodile. Raison pour laquelle, Meklit affirme, et à juste titre : I’m influenced by American jazz. And I’m influenced by Ethiopian music. Et sa musique a pour ligne directrice, ce que lui a fortement recommandé Mulatu Astatke, elle raconte: “I met Dr. Mulatu Astatke, the Godfather of Ethio-Jazz, and he pushed me to add my own vision to the continuum of this music.”

Meklit Hadero /©Ted Talks

 

C’est ainsi qu’il faut aller à la rencontre de When The People Move, The Music Moves To, album paru en juin 2017, qui en dit long sur la finesse et la puissance d’écriture de cette artiste. Et le titre est déjà en soi, un véritable message, avec une portée politique, humaniste, qui met à mal les tenants d’une vision nombriliste et monolithique du monde. Tête bien faite, Meklit sait politiquement lire la société, puisque les sciences politiques sont aussi un domaine qu’elle maîtrise. Même si, et on le comprend, la musique a pris le pas ou plus de place, ainsi l’artiste :The very first thing I wanted to do was to be a musician. So here I am on that path. L’album sonne comme une sorte de regard tourné vers ses origines profondes, pour nous en livrer, au gré de ses multiples rencontres, un savoureux et distingué cocktail.

Souvenons-nous, ce qu’on appelle jazz, c’est la culture africaine en Amérique. Les individus se déplacent toujours avec leurs patrimoines. Et Meklit, dans son approche, le réaffirme dans cet album qui présente son jazz.
En écoute, extrait de “Yesterday Is A Tizita”