“Le Retour du Roi Rudolf Duala Manga Bell”, par Calvin DJOUARI.

Le titre a de quoi faire sursauter à première vue. Notre curiosité est éveillée, on a juste une envie, aller découvrir ce récit, cette histoire qui a échappé à plusieurs générations de camerounais; mais que visiblement, seul Calvin en avait connaissance. On croit avoir satisfait notre curiosité à la lecture du résumé que fait l’auteur de son ouvrage; c’est plutôt l’inverse qui se produit, on veut en savoir davantage. On est intrigué par tout cela.

 N’est-ce pas TODOROV Tsevtan qui affirmait: “Ce ne sont pas les événements rapportés qui comptent ; mais la façon dont le narrateur nous les a fait connaître.

Rien que pour cela, Calvin Djouari a déjà gagné le pari, le défi, que nous lançaient chacun de son côté, Frantz Fanon, lorsqu’il exhortait :”Chaque génération doit, dans une relative opacité, affronter sa mission : la remplir ou la trahir ” et Chinua Achebe prévenant : “If you don’t like someone’s story, write your own.”

Présentation de l’auteur.

 Je suis Calvin Djouari, je suis camerounais. Je suis né à Nkongsamba ; mais j’ai grandi dans un petit village qui se situe dans le Mbam à Yangba, au milieu du peuple Baboutés jusqu’à l’âge de dix ans. Puis je suis revenu à Nkongsamba où j’ai passé les plus beaux instants de ma vie. Ces deux endroits ont fasciné mon enfance parce qu’il y avait des montagnes et une végétation des rêves. J’ai fait des études à l’université de Yaoundé, puis à Dakar au Sénégal. J’y ai travaillé aussi dans la même ville comme enseignant, avant de commencer à voyager. Je suis marié et père de deux enfants. J’ai toujours écrit.. J’aime écrire comme j’aime voyager.

– Qu’est-ce qui a inspiré cette œuvre.

 Il y a d’abord une première grande coïncidence que j’aimerais dire. Je suis né le 8 août, jour qui rappelle le souvenir de la pendaison de Rudolf Duala Manga Bell. J’ai découvert l’histoire de Rudolf Duala Manga Bell à l’université de Yaoundé, avec le professeur Louis Paul Ngongo, c’était un prêtre. J’aimais sa façon de narrer l’histoire ; il y avait un certain charme dans son langage qui captivait tout l’amphi. 

Le professeur Ngongo était non seulement fascinant, mais il émerveillait par sa simplicité du langage. J’aimais cette histoire et j’ai maîtrisé ce chapitre de l’histoire des institutions, si bien que je me rappelle un jour, j’ai impressionné un parterre des camerounais au Gabon à qui j’avais fait le même récit. 

Après le professeur Ngongo, il y a eu l’émission de Anani Rabier Bindzi sur Duala Manga Bell à Canal 2 international. La façon de raconter cette histoire par ce grand journaliste, ajoutait un charme extraordinaire à ce que j’avais déjà écouté autrefois. Mais le processus est surtout déclenché lorsque des élèves français me demandent à la fin d’un cours ici à Paris de leur conter une histoire du Cameroun. 

J’ai accédé à la demande en racontant bien évidemment cette merveilleuse épopée de DUALA MANGA BELL, à la fin j’ai chanté TET’EKOMBO et une gaieté fuse d’un bout à l’autre de la salle avec des larges sourires. La semaine d’après, les élèves ont voulu que je reprenne la même histoire avec à la clé la chanson TET’EKOMBO. C’est à cet instant, que j’ai pris la décision d’écrire un livre. Je crois aussi que c’est à ce moment que le souffle de l’inspiration serait venu.

– La matérialisation de l’œuvre.

    Ça n’a pas été facile, parce qu’il me fallait chercher des sources historiques afin de trouver mon schéma narratif ; les tentatives de me rapprocher auprès de ceux qui pouvaient me donner les sources, ont été vouées à l’échec. Je n’aimerais pas citer le nom de ceux que j’ai contactés pour leur expliquer mon projet qui s’est soldé par un silence retentissant. J’ai fini par rencontrer un aîné aux États-Unis qui m’a dit de me lancer sans tenir compte des opinions des gens, et il a même accepté de préfacer. Le pasteur RONCS ETAME ESE. J’ai donc fait mes recherches sur les livres qui avaient été écrits au sujet du Roi bien que rares ; les multiples interviews du professeur Kuma Doumbè III ont été enrichissantes pour la compréhension de l’histoire.

Calvin Djouari

–  Contexte de rédaction : dans quelles conditions ou situations, l’avez-vous rédigé ?


C’est une œuvre littéraire, c’est donc un contexte littéraire. Beaucoup pensent que c’est à cause des crises liées à la terre qui sévissent à présent dans Douala, rien à voir avec tout cela. D’ailleurs, c’est un roman ; ce n’est pas un récit historique, c’est un roman qui se colle à la réalité de ce qui s’est passé de la naissance jusqu’en 1914 et après la mort du roi. J’ai utilisé le fantastique, autrement dit le réalisme merveilleux. 

C’est une rencontre littéraire, un divertissement, mais une rencontre didactique surtout pour nous aujourd’hui qui sommes privés de repère et de conscience fulgurante. L’histoire de Duala Manga Bell est l’histoire la plus passionnante du siècle dernier. Il est avec Nelson Mandela ceux qui ont montré la grandeur de l’âme Noire. Duala Manga Bell a désacralisé la mort. C’est unique, imaginez-vous…. 

Une personne qui est condamnée à mort…. À qui on demande d’aller dire au revoir à sa famille, qui refuse le plan d’évasion de ses sujets. Dites-moi… Quel est le prisonnier condamné de nos jours qui peut accepter de retourner pour se faire tuer. C’est ce qu’on appelait dans le monde grec le héros chevaleresque qui est réuni en une seule personne, la beauté, le courage, la témérité, une pugnacité exceptionnelle et un caractère fougueux qui rendent l’homme d’action immortel. Son histoire devrait être enseignée chaque matin à l’école. C’est un patrimoine mythique. 

Et on devrait élever un gigantesque monument sur sa tombe et le vénérer comme je vois on vénère les tombes des grands hommes ici en occident.

– Anecdotes et coulisses qui entourent cette œuvre

C’est riche en anecdotes, j’ai dit plus haut toutes les circonstances de sa rédaction. Une anecdote me revient cependant à l’esprit. Lorsque j’ai écrit le premier chapitre de ce livre, c’était un samedi matin. Le soir, j’ai assisté à un mariage, et au dans ce mariage un artiste au nom de Vakoté Yama, qui vit en Norvège devrait prester. Cette nuit-là, il a chanté TET’EKOMBO, les Français étaient médusés, nous avons échangé sans lui dire mon projet en cours qu’il a découvert tout récemment, il est frère aujourd’hui avec qui je fais maints projets. Un autre fait la sortie du livre a été renvoyé à plus de trois fois à cause du confinement et c’est sorti au bon moment, le livre vient d’ailleurs de gagner le prix du meilleur livre de la Diaspora par le festival du fou du livre organisé le 10 novembre qui a été parrainé par le ministère de la culture et des arts.


– Un petit résumé de cette œuvre.

Rudolf Duala Manga Bell, fut un roi d’exception, à l’époque de la colonisation allemande, prêt à tous les sacrifices pour son peuple. Il est l’incarnation même du nationalisme camerounais. Accusé de trahison, il fut pendu le 8 août, 1914 à Douala. 

Dans ce récit, j’imagine un retour de cet illustre personnage qui vient revivre au milieu des siens. Il symbolise la grandeur, l’âme immortelle, parce qu’on trouve dans sa vie toutes les attitudes des valeurs augustes. C’est l’homme en Afrique, qui a l’histoire la plus fascinante, mais une histoire oubliée. Il est en quelque sorte le précurseur du nationalisme mondial, je dis bien mondial parce qu’il montre sa détermination nationaliste avant les Malcom X, les GHANDI, Nkrumah SEKOU TOURE, UM NYOBE, FELIX MOUMIE ERNEST OUANDIE ET NELSON MANDELA

Un roman parsemé de digression, qui n’est pas resté attaché à l’histoire réelle, mais qui s’est inventé une réalité homérique et légendaire, avec des détours créés, qui rendent le récit très captivant, porté par un enrichissement poétique qui fait un entrecroisement de la poésie et de la prose pour un récit sublimatoire. Bref un roman écrit dans un réalisme merveilleux.