Evariste PINI-PINI Nsasay raconte “La mission civilisatrice au Congo”.

piniPrésentation de l’auteur
Né le 25 avril 1955 en pays Yansi au Nsi Kongo-dyna-Nza, Congo RDC, Evariste PINI-PINI Nsasay  a assumé diverses responsabilités dans la société congolaise en tant que prêtre, d’abord, mais aussi en tant que citoyen désireux d’éclairer davantage, par une radio locale, Radio Tomisa de Kikwit, la conscience de ses concitoyens. Il s’attelle actuellement à l’implantation d’un Centre Multimédia dans la périphérie-est de Kinshasa, à Kingasani, tout en continuant d’écrire. Sa prochaine œuvre est une pièce de théâtre intitulée “Les intellectuels illettrés de Mawa“.

Qu’est-ce qui a inspiré cette œuvre
Le désarroi des jeunes congolais demandeurs d’asile rencontrés à Paris, le manque d’information visible de mes interlocuteurs Français et Belges, et le manque d’écrits rencontrés abordant la problématique de la colonisation dans cette perspective, du point de vue du sentir réel des Congolais face à ce désastre.

La matérialisation de l’œuvre
A la fin de l’écriture de l’ouvrage en 2011, devant le refus de plusieurs éditeurs contactés, un ami m’a conseillé de la poster sur internet. C’est alors qu’un ami qui est au Canada, l’ayant lue, m’a conseillé à son tour de contacter la Maison “Africavenir, Exchange/Dialogue“ de Douala. J’ai envoyé un bref résumé de mon écrit par mail et dès le retour du mail, Prince Kum’a Ndumbe III, le responsable de cette maison s’est montré intéressé et m’a demandé de lui envoyer tout l’ouvrage. Il s’est dit enchanté par l’écrit et a accepté de l’éditer. Il y a eu une première mise en page réalisée par Impribeau en Belgique, mais qu’il a fallu reprendre à Douala et suivre les instructions de l’imprimerie en Allemagne. L’internet aidant, nous avons ainsi travaillé en synergie entre Douala, Vienne, Impribeau et moi pendant des mois. C’est finalement le 09 mars 2013 que le premier exemplaire du livre est sorti de l’imprimerie. J’ai pu toucher de mes doigts le livre à Paris à la foire du livre le 22 mars 2013.

Contexte de rédaction : dans quelles conditions ou situations l’avez-vous rédigé
C’est après mon voyage à Nkamba, ville sainte des Kimbanguistes, en septembre 2010, que j’ai opté pour la présentation actuelle du livre. Car au départ, je voulais écrire sur l’histoire des Kimbanguistes que j’idéalisais à l’époque. Mais ma visite m’a fait voir une facette des Kimbanguistes que j’ignorais. J’ai donc réorienté mon écriture en incluant la lutte de Simon Kimbangu comme une partie du livre, à côté d’autres. Le livre a été rédigé au presbytère de Tillet, dans la commune de Sainte-Ode, en Belgique. Vu l’éloignement du lieu et étant donné la problématique abordée, il m’a fallu rechercher de la documentation principalement à travers l’internet. J’ai ainsi pu commander et lire la plupart des livres cités. Plus j’avançais dans l’écriture, plus je trouvais de la documentation et plus la voie se traçait devant moi. Je me suis fait aider par mon ami, Christian Comeliau, professeur honoraire de Genève, ayant vécu et enseigné à Kinshasa. Il m’a aidé à préciser certaines affirmations et à mieux cadrer mon propos. C’est aussi lui qui a écrit la préface du livre.  Jean-Pierre Lahaye qui a aussi lu le livre, m’a aidé à préciser le sous titre “Réduire les espaces de vie en prison et en enfer“.

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Anecdotes et coulisses qui entourent cette œuvre
C’est dans l’avion qui m’amenait à Kinshasa pour aller assister aux funérailles de ma mère décédée que j’ai donné le feu vert pour l’impression définitive du livre. A peine sorti, le livre a fait la une des médias en Belgique à cause de la mesure de licenciement brutal et injustifié prise par l’Évêché de Namur contre moi. Ce livre a mis plusieurs personnes à découvert, car en lisant on doit prendre position soit pour, soit contre. Il suscite aussi bien de l’admiration chez certains, que de la colère chez d’autres. En tout cas il ne laisse personne indifférent comme l’a dit un journaliste de la RTBF, Jean-Pol Hecq. Une dame congolaise, habitant Le Grand Duché du Luxembourg, m’a dit qu’après, elle est restée deux semaines à la maison et n’avait plus envie d’aller à la messe.

Une autre dame congolaise, du Grand Duché également, m’a dit qu’elle ne voulait plus aller au travail. Un Monsieur, belge, de Namur, m’a dit qu’il s’est fâché contre moi, a arrêté de lire, mais n’a pas pu dormir cette nuit et a repris la lecture au matin.

Lors de la présentation du livre à Bastogne, il y a eu deux campas opposés, certains Africains qui enrichissaient le livre par des exemples multiples et quelques belges qui voulaient défendre la colonisation ; je me suis même tu pour les laisser parler avant de recadrer le débat. A Bruxelles, le débat a été interne à la communauté congolaise. Sur le net, il ne se passe pas un jour sans que quelqu’un me sollicite sur le livre, surtout ceux qui cherchent à l’acquérir.

Un petit résumé de cette œuvre.
Objet : Présentation de mon ouvrage “La mission civilisatrice au Congo – Réduire les espaces de vie en prison et en enfer”

Ce livre qui porte sur l’histoire politique du Congo (RDC) est le fruit d’une profonde réflexion. Il essaie de répondre à l’opinion très répandue en Occident sur les bienfaits de la colonisation, comme mission de civilisation des peuples de l’actuel territoire du Congo, considérés, eux, comme en étant dépourvus totalement.

Cette opinion, conçue et distillée par l’élite – c’est-à-dire l’Église, les chercheurs, les médias, le cinéma, l’économique et le politique – se base sur le racisme anti-noir qui a souillé la race humaine et qui a ruiné la terre entière. Porté par les armes à feu meurtrières, le racisme a défiguré l’Afrique et le Congo (RDC) en particulier. Et pourtant sur ce territoire clos, voulu par le régime du roi des Belges, Léopold II, nos ancêtres avaient bâti des espaces de vie sublimes qui ont étonné plus d’un visiteur, comme le Kongo-dyna-Nza ou Nza-di-Kongo. La colonisation portugaise d’abord, belge ensuite et occidentale enfin, les ont tout simplement disloqués et détruits pour les remplacer par le territoire carré actuel qui est une véritable prison dans laquelle les populations croupissent et meurent plus qu’elles ne vivent, et ce depuis des siècles. Car le Congo d’aujourd’hui, celui de la MONUSCO de 2012 égale celui de la MONUC de 1999, égale celui de MOBUTU et alliés  de 1965, égale celui de l’ONUC de 1960, égale celui du Congo-Belge de 1908, égale le Congo Indépendant du Roi Léopold II de 1885, égale le Congo des Portugais des années 1500. C’est un territoire occupé, soumis, colonisé, corrompu, ruiné.

“La mission civilisatrice“ européenne au Congo a méprisé et déconstruit tout simplement la vie ancestrale séculaire et a introduit un drôle de développement, le développement vertical ou l’installation des infrastructures choisies, au service des Européens eux-mêmes excluant la grande majorité de la population, car construites loin de ses lieux de vie. Elle a interdit et a combattu tout acquis de la société ancestrale congolaise comme non conforme à la vraie vie humaine, celle des Européens que les Congolais devaient adopter à tout prix à travers une évolution nouvelle et d’un genre très curieux. Ce qui a engendré le sous-développement dans lequel les peuples du Congo sont empêtrés depuis des siècles maintenant.

Les peuples du Congo ne se sont pas laissés faire. Ils se sont levés et ont défié les envahisseurs malgré la modicité des moyens de défense dont ils disposaient. Ils se sont montrés encore bien plus grands et ont entrepris des luttes non violentes, parmi les premières de l’histoire humaine. Dans ce livre je cite la lutte non violente de Ndona Nsimba Béatrice, dit Kimpa Vita, celle de Simon Kimbangu et celle de Patrice-Emery Lumumba ; mais également la lutte non violente engagée par les peuples de Kinshasa en 1992  sous la conduite des jeunes prêtres kinois pour réclamer la réouverture de la Conférence nationale souveraine, sans oublier la marche des jeunes de tout le Congo en 2004 contre la Monuc et la lutte actuelle de la vaillante diaspora congolaise engagée depuis 2009. La lutte des peuples du Congo pour leur libération est séculaire et constante.

A travers ce livre, je lance un appel fort à l’élite européenne pour qu’elle porte un regard nouveau, exempt de tout racisme et de tout préjugé négatif sur les Africains. Je lui demande d’accepter que le racisme ainsi que ses corollaires que sont la traite et la colonisation, soient jugés et condamnés, et non plus défendus, ceci afin que notre monde trop meurtri retrouve ses équilibres ; et pour qu’une ère nouvelle des relations s’installe entre les peuples d’Afrique et ceux d’Europe. Je propose la construction d’un tunnel ou d’un pont, sous ou sur l’Atlantique entre ces deux continents à la place de la Frontex actuelle que les dirigeants Européens érigent à leur propre gré sans la moindre considération des peuples Africains. Ce qui exacerbe encore plus le racisme anti-noir.

Ce livre essaie de répondre également aux préoccupations nombreuses des peuples du Congo – surtout la jeunesse de la grande diaspora congolaise – sur le devenir de notre pays visiblement incertain, voire sans issue, voué à la mort. Je propose ici des voies de sortie en référence à notre tradition modernisée, particulièrement le rôle du village, comme première cellule politique, économique et culturelle, dans le devenir futur de la nation congolaise moderne. Je propose que les villages, exclus du sérail du pouvoir depuis la colonisation jusqu’à ce jour, soient revalorisés et reconnus comme lieu de vie et fer de lance du développement du pays. Ceci réconciliera le peuple avec son élite et honorera le travail et la mémoire de nos ancêtres.

Ce livre s’ouvre sur la description du Kongo-dyna-Nza, cet espace de vie ancestral, toujours visible, mais ignoré et qui a fait ses preuves avant l’arrivée des Portugais, eux qui l’ont ruiné en introduisant le tristement célèbre commerce triangulaire appelé “Traite des nègres“. C’est la 1ère partie. La 2ème décrit le Congo-prison de Léopold II que la colonisation belge et occidentale prolonge jusqu’à ce jour. Dans la 3ème partie, le Congo-enfer, il est question du Congo du plan B belge, à savoir “après l’indépendance égale avant l’indépendance“, le Congo des “Mindele-ndombe“, ladite élite congolaise formatée pour la continuité de la colonisation dont Mobutu et le régime actuel constituent la grande illustration; c’est le Congo de l’aliénation et du sous-développement ahurissant. Quant à la 4ème partie, elle démontre la résistance congolaise portée par des leaders charismatiques, tous tués par les colonisateurs blancs et noirs du régime colonial. Ce livre contient en outre un lexique des mots propres, quelques textes en langue Kikongo et des lettres adressées à des personnalités sur la situation tragique du Congo (RDC).

Voilà, succinctement, présenté l’ouvrage que vous avez en main.
Ce livre, écrit dans un style narratif, est facile à lire et aussi – je l’espère – facile à comprendre. Depuis le mois d’octobre dernier, ce livre occupe l’actualité ici en Belgique à la suite de la mesure de licenciement abusif et brutal dont je suis victime de la part de l’Évêché de Namur. L’Évêché ne pouvant trouver des arguments valables et solides contre les thèses que défend mon ouvrage, a préféré passer par la force pour me faire taire. Ceci a engendré une véritable levée de bouclier du monde entier et susciter un incroyable élan de solidarité dont la condition humaine est la principale bénéficiaire.

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