Marcus Miller parle de Afrodeezia

Marcus MillerAvec Afrodeezia, Marcus Miller fait la route des musiques noires entre États-Unis, Caraïbes, Amérique latine et Afrique de l’ouest. Pour l’occasion il réunit le jazz, Robert Glasper, Chuck D, le calypso le gnawa la samba en passant par la kora africaine!

Comment avez-vous conçu Afrodeezia?
J’ai été nommé porte-parole pour un projet autour de l’esclavage créé par l’UNESCO en 2013. Le but est de développer la conscience de ce qu’a été l’esclavage, en particulier pour les jeunes. Ils ne connaissent pas l’histoire de façon très claire. Ils savent que ça s’est passé mais ils ne connaissent pas les détails ou très peu d’entre eux. Pendant que je faisais mes recherches pour en parler aux gens je me suis dis qu’au lieu d’avoir ce projet avec l’UNESCO d’un côté et ma musique d’un autre je pouvais les combiner. Pourquoi ne pas porter ça avec des musiciens qui représentent différentes étapes de cet itinéraire de l’esclavage?

J’ai collaboré avec des musiciens d’Afrique de l’Ouest, d’Amérique latine, des Caraïbes, du sud des États-Unis et des grandes villes américaines. J’ai suivi le parcours qu’ont fait mes ancêtres. J’ai utilisé mon groupe habituel en ajoutant ces autres musiciens pour voir ce qu’allait donner ce mix. C’est ambitieux parce que ça a nécessité de faire pas mal de voyages. C’est un projet très intéressant qui s’est déroulé de façon très naturelle. Je ne savais pas si j’allais pouvoir travailler avec ces musiciens de ces différents endroits mais ça a été très facile et naturel.

Dans quel ordre s’est fait le voyage musical?
D’abord j’ai travaillé avec mon groupe en Louisiane dans un grand studio de Lafayette où on vit et enregistre dans le même bâtiment. On répétait et on travaillait sur cette musique. Ensuite je suis allé faire un concert au Nigeria. J’ai travaillé avec de jeunes musiciens locaux.

Je suis allé à Paris où il y a une importante communauté de musiciens africains. J’ai collaboré avec de jeunes musiciens du Mali, du Sénégal, du Burkina Faso. Je suis allé au Maroc pour le festival gnawa d’Essaouira et j’ai fait une jam session avec l’incroyable musicien gnawa Mustapha Bakbou. Ces musiciens m’ont fait découvrir cet instrument à cordes qui s’appelle le guembri. Ils m’en ont donné un. C’était une belle expérience.

Après on a joué à Rio de Janeiro. On a trouvé un studio et joué avec de jeunes musiciens brésiliens comme le percussionniste Marco Lobo et de supers chanteurs. C’était fantastique. J’ai aussi trouvé des musiciens de Trinidad. La famille de mon père est originaire de Trinidad. Je voulais un élément caribéen puisque c’était une des étapes majeures de la traite négrière. Je ne voulais pas faire du reggae, qui est la musique caribéenne la plus connue mais du calypso, cette musique que mes parents écoutaient tout le temps. Ils dansaient sur The Mighty sparrow et Lord Kitchener. Quand j’ai commencé à écumer les studios new-yorkais à dix-neuf ans j’ai beaucoup travaillé avec le percussionniste Ralph Mc Donald, originaire de Trinidad. Son père était un grand chef d’orchestre de calypso Patrick Mc Donald surnommé Macbeth the great . D’où le titre Son of Macbeth dans l’album.

A Brooklyn chaque année il y a une grande parade antillaise sur les artères principales du quartier avec tous les grands groupes caribéens. Le père de Ralph Mc Donald était un des plus célèbres musiciens de cette parade. D’où le titre de l’album Son of Macbeth J’ai appelé le joueur de steelpan Robert Greenidge qui fait du jazz. On se connaît bien puisqu’on a joué ensemble Just the two of us sur l’album Winelight de Grover Washington Jr en 1980. Il y a aussi un trompettiste trinidadien qui est un très bon ami Étienne Charles. On a joué un calypso. Dans le sud le trompettiste Patches Stewart était mon représentant. On a incorporé des musiciens de Louisiane. Il y a aussi le guitariste Keb Mo qui est de Los Angeles mais qui est très influencé par la musique du delta du Mississippi. Tout cela a représenté trois ou quatre mois d’allers et retours.

Avez toujours été conscient des ponts entre ces musiques et ces rythmes liés par l’esclavage?
J’ai toujours été conscient de ces liens mais quand j’ai commencé à travailler sur ce projet c’est devenu évident. Quand j’ai joué au festival gnawa il y avait des rythmes qui étaient si proches de la samba brésilienne. Ces rythmes ont la même fonction. Dans le gnawa trente-mille personnes dansent pendant trois jours au même endroit sur le même rythme. La samba c’est aussi une grosse communion musicale. Comme le calypso.
J’ai commencé à écouter les histoires parallèles à ces musiques liées à l’esclavage. Ça ouvrait les yeux. Il y a aussi ces rythmes à la Nouvelle-Orléans.

C’est incroyable parce que la plupart des esclaves ont perdu leur histoire, leurs familles, leurs noms, leur maison. Je me suis aperçu que beaucoup de cette histoire est toujours là à travers la musique. Si vous écoutez la musique cubaine, du funk, les musiques de danse américaines, beaucoup de ces rythmes ont perduré. Si vous êtes capable de comprendre ce langage vous pouvez dire beaucoup de choses sur cette histoire. L’UNESCO a fait des tests ADN pour voir le lignage de ces africains réduits à l’esclavage. La connexion culturelle est très nette. Ça l’est aussi sur cet album.

Vous faites un hommage à George Duke sur We were there qui était son expression favorite.
Il aimait tellement la musique brésilienne. Tout le monde se rappelle de Brazilian love affair avec Airto Moreira et Flora Purim. Quand j’ai jammé avec Marco Lobo j’avais toujours en tête George Duke. Juste le fait de me rappeler à quel point il aimait cette musique. Joe Sample des Crusaders qui est aussi décédé récemment aimait la bossa nova, la samba.

Ça m’a rappelé qu’on a perdu ces deux musiciens incroyables ces deux dernières années. Ça a laissé un grand vide dans la musique. Le sujet de cet album est très sérieux mais le moteur de cette musique c’est la joie. J’avais du mal à m’imaginer comment cette musique pouvait être si joyeuse dans ces conditions. C’est ce que les esclaves captifs avaient pour garder leur esprit et leur dignité: leur musique de célébration, la samba, la calypso, le gnawa. Ça m’a incité à ne pas me focaliser sur la peine, la souffrance mais sur la capacité à contourner cela via la musique.

Il y a aussi un titre pour votre père Preacher’s kid (Song for William H).
Je voulais faire une dédicace à mon père qui aura 90 ans en septembre. Il jouait du piano, des grandes orgues avec les chœurs chaque dimanche à l’église épiscopale. J’ai voulu que la mélodie soit comme un hymne. Il y a un chœur dont Julia Sarr est la chanteuse principale. Alune Wade du Sénégal a écrit des paroles en bambara pour le chœur indiquant que mon père a dédié sa vie à Dieu et qu’il en sera récompensé. Après la partie de chœur je joue de la clarinette basse avec un quartette de jazz.

Comme mon père était organiste j’ai demandé à Corey Henry qui est un incroyable organiste très jeune, d’une vingtaine d’années de faire un solo d’orgue. Il a trouvé des façons de manipuler cet instrument que je n’ai jamais entendu avant. Tous ces éléments représentent mon père. Mon père aimait les harmonies à quatre voix des hymnes. Je rajoutais du jazz par-dessus ces harmonies. Ça faisait toujours rire mon père d’entendre ces harmonies plus complexes que j’adore. C’est un message que je lui adresse.

Est-ce vrai qu’Alune Wade s’est présenté à vous comme le Marcus Miller du Sénégal?
Je l’ai rencontré à un festival de musique en Pologne. Je jouais en invité d’Esperanza Spalding. Il était avec Oumou Sangaré. Il m’a dit: «Je m’appelle Alune mais je suis le Marcus Miller du Sénégal ». Il m’a avoué quel point j’étais important pour lui. Je lui ai dit: « Écoute, j’ai besoin d’aide pour jouer avec des musiciens d’Afrique de l’Ouest. » Il connaissait tout le monde. Il a rassemblé ces musiciens: Adama Bilorou, Guimba Kouyaté, Cherif Soumano. J’avais jammé avec Cherif Soumano avant ça à un festival. J’avais écrit son nom parce que je savais ce serait intéressant de faire quelque chose avec lui. Tout a été très organique. Ça devait se passer.

Sur l’album précédent Renaissance il y avait déjà une chanson Gorée (Goray) qui renvoie à cette histoire?
Je suis allé à Gorée en 2010 pour le festival mondial des arts nègres à Dakar: le Fesman qui a réuni tous les artistes liés à l’Afrique. La veille on a eu une visite de Gorée. Je me suis baladé dans l’île. J’ai beaucoup entendu parler de Gorée et de ces endroits sur la côte ouest africaine comme Cape Coast ou Oui-Dah où les esclaves étaient maintenus captifs avant d’être emmenés sur les vaisseaux. J’ai écrit un titre qui exprimait ce que je ressentais. J’ai été surpris par mon émotion.
J’avais entendu parler de l’endroit depuis des années. Je savais ce que j’allais ressentir mais c’était encore plus fort. C’est différent quand tu es sur place. J’ai fait une tournée de deux ans avec Renaissance en jouant cette chanson Gorée. ça a été la genèse du projet. Irina Bukova directrice générale de l’UNESCO était à mon concert de Paris pendant lequel j’ai parlé au public de ce morceau. Après le concert elle m’a proposé d’être artiste de paix pour l’UNESCO et d’être le porte-parole de ce projet sur l’esclavage. Ce nouvel album a donc émergé à partir de Gorée.

Miller Marcus
Photo © Cathrin Cammet

Vous avez été le jeune accompagnateur de Miles Luther Vandross, David Sanborn. Maintenant c’est vous le passeur pour vos jeunes musiciens Louis Cato, Corey Henry, Alex Han..
Ça m’a pris un moment avant de réaliser ce que je représentais pour les musiciens plus jeunes. Je suis la connexion entre les nouveaux musiciens et ceux qui ne sont plus là comme Dizzy Gillespie, Miles Davis. Je peux leur répéter de première main ce qu’ils m’ont dit, comment ils se comportaient, leur conception de la musique. J’étais dans un bus en train de raconter une histoire que Miles m’a dit et je me suis rendu compte que mes musiciens me regardaient avec de grands yeux. J’ai réalisé à ce moment que je devais partager ces informations avec ces gars. C’est comme ça que l’histoire continue.

Vous faites partie de cette histoire.
Oui ça fait bizarre! Rires. Je n’ai pas l’impression d’être un vieux! Je dispose de ces connaissances. Et je suis proche de l’âge que Miles Davis avait quand j’ai commencé à jouer avec lui. C’était un choc au début. Maintenant je le vis bien parce que ça ne m’empêche pas d’être moi-même.

Ce n’est pas comme si je devais traiter ces musiciens comme des perroquets: « Tu devrais faire ceci ou cela ». Tout ce que j’ai à faire c’est d’être moi-même en espérant qu’ils apprendront des choses en m’observant. Comment je joue, le sérieux avec lequel je me consacre à la musique. J’essaie juste d’être un bon exemple.

Êtes-vous toujours influencé par Miles tout en gardant vos distances par rapport à sa musique ?
Il a eu une grosse influence sur moi. Ma carrière solo est venue juste après Miles. Mes premiers albums au début des années 90 avaient le même parfum que la musique que je faisais pour Miles. A chaque album je me démarquais un peu plus de son univers.

En particulier en 2011 pour le vingtième anniversaire de sa disparition j’ai participé à un hommage à Miles avec Herbie Hancock et Wayne Shorter. J’ai fait Tutu revisited. Il y a eu une période il y a quelques années où je suis revenu en arrière et reconnu ma connexion avec Miles. Et ensuite je suis reparti de l’avant. Ça ne me pose pas de problèmes parce que c’est une merveilleuse personne à laquelle être reliée mais c’est aussi important de poursuivre mon propre cheminement.

Dans le récent documentaire “Marcus” de Patrick Savey Herbie Hancock Wayne Shorter Ahmad Jamal Larry Graham entre autres louent votre parcours.
Est-ce que je pouvais m’imaginer qu’un jour je serais dans un théâtre et que je verrais les images d’Herbie Hancock, Wayne Shorter, Ahmad Jamal, Larry Graham parler de moi. Ça donne beaucoup d’humilité et c’est très encourageant. J’ai l’impression d’aller de l’avant. J’ai toujours des choses à découvrir et à améliorer. Ce documentaire m’incite à continuer et voir ce que je peux découvrir encore.

Vous vous décrivez comme un bassiste funk avec une culture jazz ?
Chaque jour je me décris d’une façon différente. Mon background c’est la musique funk des années 70 Larry Graham et Graham central station, les Jackson Five, la Motown. C’est avec ça que j’ai commencé à jouer de la musique. Je ne veux pas perdre ça parce que c’est important d’avoir des repères qui vous mettent les pieds sur terre. A partir de là on peut s’étendre aussi loin qu’on veut.

Pouvez-vous nous parler du 33 tours des Temptations : Reunion ?
C’est un album de 1981. Merci de me montrer ça parce que le groupe était au complet. Sur la photo il y a Dennis Edwards qui dans les années 70 a remplacé David Ruffin, le chanteur lead du groupe dans les années 60. Il y a aussi Eddie Kendricks qui était le chanteur à la tessiture la plus haute. C’est très cool de les voir tous ensemble!

Pourquoi avoir repris Papa was a rolling stone dans l’album ?
L’idée c’était le voyage entre Afrique de l’ouest, Caraïbes, Amérique latine sud des États-Unis. Après l’esclavage beaucoup d’afro-américains ont bougé du sud vers de plus grandes villes. Ma famille est partie à New York. Beaucoup de gens sont allés à Chicago… et Detroit. Quand je pense à Detroit tout de suite je pense à la Motown. Je voulais inclure un son de la Motown.

Quelle est la plus mortelle ligne de basse de la Motown? Je ne sais pas si c’est la meilleure mais en tout cas c’est l’une d’entre elles. Papa was a rolling stone est l’une des premières chansons que j’ai apprise à la basse. C’est à la fois très facile et très difficile à jouer parce qu’il faut laisser de l’espace dans la ligne de basse: Poum poum.

Comme j’étais un jeune bassiste je voulais toujours ajouter quelque chose. Mais plus tu ajoutes plus tu t’en éloignes. J’ai lu que c’était très difficile pour le bassiste qui a joué la ligne de basse originale dont j’ai oublié le nom (1). Le titre original faisait neuf minutes et il n’avait pas le droit d’ajouter quoique ce soit. J’ai ajouté des choses dans ma reprise mais c’était important pour moi de garder l’esprit de cette simplicité. Sur le morceau j’ai invité le guitariste de Detroit Wah Wah Watson qui a joué avec The Temptations.

Comment s’est formé le SMV votre super groupe de bassistes avec Stanley Clarke et Victor Wooten?
La connexion s’est faite par rapport à Stanley Clarke. J’étais très influencé par Stanley Clarke et Victor Wooten aussi. On avait les mêmes racines. C’était intéressant de voir comment Victor Wooten et moi on a eu cette influence de Stanley et trouvé nos propres styles. Je suis sûr que pour Stanley c’est très intéressant d’écouter ces deux gars qui ont trouvé leur voie à travers lui. On avait à la fois une connexion et des différences.

J’ai vu ce qu’il y avait de spécifique dans mon style parce que j’étais assis entre deux bassistes. Pareil pour Victor Wooten. On devait trouver une façon de se distinguer les uns des autres. On ne pouvait pas tous jouer comme Stanley Clarke. C’était une très belle expérience pour nous tous. On est devenus très proches. C’est une formation très symétrique. Sur l’affiche Stanley c’est le grand type. Je suis au milieu. Victor c’est le plus petit. Le son de Stanley est dans les aigus, Victor est au milieu et moi je suis plus grave. On a chacun trouvé notre espace.

Ce que j’aime aussi c’est qu’avant de venir nous voir certains disaient: « Un groupe avec trois bassistes je ne veux jamais entendre ça! » Quand ils sont allés au concert ils ont passé un bon moment. « Mon petit ami m’a forcé à venir à ce concert et finalement j’ai adoré!» On s’est promis qu’on enregistrerait encore. Chacun est très pris. Ce qui est bien en un sens puisqu’on a chacun nos carrières. Si tout va bien on refera quelque chose ensemble. Je vais essayer d’avoir des idées intéressantes et eux aussi de leur côté. Peut-être dans un an…

Le titre Hylife est un hommage à cette musique phare du Ghana et du Nigéria.
J’aime beaucoup King Sunny Adé et Fela Kuti. Je parlais à des jeunes musiciens nigérians qui m’ont dit à quel point ils étaient influencés par la musique américaine. Après ils ont dit que récemment ils s’étaient mis à faire des recherches sur leur propre musique africaine, notamment le high life originaire du Ghana.

Pour les jeunes africains le high life ça remonte à longtemps. Ils ont voulu avoir un autre regard sur cette musique et m’ont en même temps inspiré pour m’y intéresser aussi et combiner le high life avec des harmonies jazz.

Comment avez-vous travaillé avec le regretté Claude Nougaro sur Nougayork en 1987?
Philippe Saisse de Nice était le producteur de Nougayork. Je dois avouer que je n’étais pas familier avec la musique de Claude Nougaro à l’époque. Philippe m’a dit: « Crois-moi ce gars est très bon et ça va être un disque très important.» J’ai passé un bon moment à découvrir sa personnalité musicale. Un jour Jean-Michel Jarre s’est pointé à New-York et m’a dit qu’il voulait faire quelque chose de différent et on a fait Zoolook en 1984. J’ai aussi travaillé avec France Gall sur son album de 1996. J’ai joué avec Michel Petrucciani. Il y a eu un certain nombre de collaborations françaises comme ça qui m’ont vraiment plu.

Pour vous l’éclectisme musical a toujours été naturel ?
Je viens d’une génération de fusion. Dans les années 70 quand j’étais adolescent tout allait ensemble. Chaka Khan chantait du jazz. Stanley Clarke et George Duke faisaient du rock. Chick Corea partait dans ses explorations sonores. C’était mon initiation musicale. C’était très naturel. Comme je suis de Brooklyn, New York, tous ces styles étaient dans la rue en même temps. Ado j’ai joué dans un groupe afro, un groupe latino, des groupes de jazz, de funk, toutes sortes de style. Si tu joues ces styles très jeunes ils deviennent très naturels. C’est comme de parler une langue si tu l’apprends jeune tu te familiarises avec elle plus facilement.

Qu’avez-vous écouté dernièrement?
Récemment j’ai écouté deux disques de musique cubaine inédits des années 50, avec l’incroyable contrebassiste Cachao qui m’ont été donnés par le chef d’orchestre Eddie Palmieri. J’écoutais ça en me levant le matin. Cette musique fait partie de cette histoire. J’écoutais Kendrick Lamar, ce nouveau rappeur de L.A qui vient de sortir l’album To pimp a butterfly. C’est intéressant. J’écoute Flying lotus qui a collaboré avec Herbie Hancock. J’écoute toujours du jazz des années 50 Red Garland, Sonny Rollins. Quand je suis en salle de sport les gens pensent que je suis fou d’écouter ça dans mes écouteurs parce que c’est tellement aux antipodes du boum boum habituel qu’on y entend!

Avez-vous des idées pour le prochain album?
J’ai des millions d’idées pour l’album suivant! La principale m’a été inspirée par Afrodeezia. A la fin d’ Afrodeezia le gars de Blue Note m’appelle pour me dire: « Où est ton album? Tu es censé avoir fini! » Je lui ai dit que c’est presque fini mais que j’ai été inspiré en regardant la télévision et les tensions avec la police, suite à la mort de jeunes garçons noirs. J’ai fait une chanson supplémentaire rapidement avec mon ami Mocean Worker (2) On a voulu faire un rap.

J’ai joué à l’Hollywood Bowl le Black movie soundtrack , un concert d’hommage aux films afro-américains. Chuck D et Flavour Flav de Public enemy ont joué à cet événement. J’ai contacté Chuck D. « Est-ce que tu es dans le coin? Oui je suis à une demi-heure! » Après avoir travaillé sur la chanson I can’t breathe on a discuté. Il m’a dit qu’il y a plein de rappeurs quadragénaires qui ne sont plus dans le game du rap à cause du jeunisme mais qui ont encore beaucoup de choses à dire et à vivre. Pourquoi ne pas combiner du jazz avec ces rappeurs?

C’est une très bonne idée. Robert Glasper qui est sur l’album, avec Lalah Hathaway, est très influencé par le hip hop de Jay Dilla et le son de Detroit. Pour le projet à venir j’aimerais avoir des rappeurs du son new-yorkais qui ont des messages à dire comme Chuck D, KRS-One…

(1) La chanson a d’abord été composée pour le groupe The undisputed truth en 1971. Norman Whitfield ayant engagé plusieurs bassistes sur l’album All directions en 1972 Leroy Taylor, James Jamerson et Bob Babbitt l’auteur de la ligne de basse originale n’a pas été clairement crédité, même s’il s’agirait à priori de Babbitt.

(1) Fils de Joel Dorn producteur entre autres de Roberta Flack, Les Mc Cann, Yuseef Lateef, Roland Kirk…

Source:http://www.welovemusic.fr/interviews/interviews-ecrites/marcus-miller-interview-lalbum-afrodeezia/