Sia Tolno:”Je me suis certes inspirée de certaines souffrances”
Sia Tolno: “Je ne suis pas du tout une inconditionnelle de la politique politicienne mais si être politicienne c’est s’engager pour le bien être de mon peuple et dénoncer toute discrimination, alors je le suis sans appartenir à un quelconque parti politique.”
Chanteuse confirmée et nourrie aux influences de Myriam Makeba, Nina Simone, Whitney Houston etc… aussi aux chants traditionnels de son terroir, Sia Tolno revient sur son parcours en répondant aux questions que nous lui avons posées. Des tumultes rencontrées dans son adolescence, elle en a retenu une chose, dénoncer toutes les discriminations avec force et vigueur. Ainsi se sert-elle de l’énergie qui lui vient de sa voix puissante pour décrier l’injustice, mais également pour célébrer la vie.
Votre nom a-t-il une signification particulière dans votre langue maternelle le Kissi ?
Sia Tolno : Mon nom signifie la première fille de la famille en kissi ma langue maternelle.
Alors parlez-nous brièvement de SIA TOLNO
Sia Tolno est une artiste guinéenne de la chanson qui a partagé son enfance entre la Sierra Léone et la Guinée. J’ai commencé très tôt la musique en jouant dans des bars et cabarets de Conakry la capitale guinéenne. Je dois reconnaître que les débuts n’ont pas été car même après mon premier album « L’enfant de la forêt » sorti en 2000 je continuais à chanter dans ces lieux qui sont des endroits d’apprentissage. Ma conviction est que seul le travail paie et ma progression musicale est le fruit de ce travail. Sia Tolno est donc une femme de la Guinée forestière, benjamine d’une famille nombreuse.
Est-il juste de dire ou de penser que l’adversité à laquelle vous avez été exposée ainsi que les rudes épreuves qui ont été votre quotidien pendant votre adolescence ont construit l’excellente chanteuse que vous êtes ?
Je m’insurge contre cette présentation de ma personne. Il est vrai que j’ai une eu une enfance qui ne fut celle que rêve tous les enfants du monde. Mais combien sont-ils les enfants qui, en Afrique, vivent la même situation. C’est dire que mon enfance n’est pas un cas particulier. Je pense que ce qui fait plus souffrir un enfant c’est le manque d’affection et non les biens matériels. J’ai souffert de la séparation de mes parents, j’ai connu des moments difficiles, mais ce n’est pas cette situation qui a fait de moi une excellente chanteuse comme vous dites bien que je me considère comme une chanteuse débutante. Je me suis certes inspirée de certaines souffrances ou tristesse appartenant à mon vécu mais je chantais déjà très jeune.
’’Kongossa’’, un des titres de votre nouvel album ’’My LIFE’’ sorti en septembre dernier. Est-ce une proposition de Guy Nsanguè Akwa qui fait la basse dans l’album ? Ce mot revêt-il la même signification dans votre pays comme on l’entend au Cameroun par exemple ? Victime du Kongossa ?
Kongossa a la même signification en Guinée c’est-à-dire ce mot signifie les « commérages » et on le retrouve dans de nombreux pays africains sous la même appellation. Non ce titre ne m’a pas été proposé par Guy Nsangué . Le « Kongossa » existe partout même en Europe dès que les gens se mettent à parler de la vie de quelqu’un sans la connaître, c’est le même phénomène de ce que vous appelez les calomnies. En Afrique cela fait partie de notre quotidien surtout lorsqu’on est un personnage public tandis qu’en Europe cela se traduit par des procès.
Comme le suggère déjà le titre de l’album, ’’ My LIFE’’ est autobiographique. Une sorte de thérapie ou alors fermeture d’une page d’un pan de votre vie ?
« My Life » est une sorte de thérapie qui me permet de « sortir » d’un passé et de me projeter dans l’avenir. Mais c’est également un titre d’espoir pour toutes les personnes qui souffrent avec comme message que rien n’est figé dans la vie et que comme le disait un grand poète « … l’homme est un apprenti et la douleur est son maître et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert … ». Donc « My Life », c’est en même temps le passé mais aussi un avenir plein d’espoirs.
Pourquoi est-ce que je ne résiste pas à penser que ’’My LIFE’’ est la suite de ’’Eh Sanga’’ votre premier album qui lui parle également de souffrance ?’
Ce n’est pas une suite mais le thème de la souffrance m’habite dans ma vie de tous les jours car on la côtoie partout dans le monde, dans les rues de Conakry ou de Rio au Brésil, en Afghanistan ou dans les rues de Monrovia, en Sierra Léone, en Europe. Il s’agit donc d’un thème qui m’interpelle.
Quatre voire cinq chansons de votre album mettent en évidence votre sens d’engagement pour le respect de la dignité de la femme, la démocratie en Afrique etc. Des convictions qui se nourrissent de votre expérience personnelle ?
Oui ces convictions se nourrissent de mon expérience personnelle mais d’une manière plus générale de l’évolution de mon continent. On oublie souvent que l’Afrique a évolué , que la femme africaine se bat pour ses droits, que le peuple aspire à plus de liberté dont la plus importante est la liberté d’expression , la liberté de choix politique ! Je ne suis pas du tout une inconditionnelle de la politique politicienne mais si être politicienne c’est s’engager pour le bien être de mon peuple et dénoncer toute discrimination, alors je le suis sans appartenir à un quelconque parti politique.
Lorsqu’on écoute votre excellent album, on essaie de vous trouver des filiations avec une telle ou une telle autre. Qu’en est-il réellement ? Quelles sont ces voies africaines ou ’’noires’’ qui vous inspirent ?
D’abord merci pour l’appréciation. Il y a évidemment la grande chanteuse sud africaine Myriam Makéba et plus loin du continent il y a Nina Simone, Whitney Houston, Tina Turner, toutes des figures emblématiques de la musique noire. Je m’inspire également des chants traditionnels de mon terroir.
L’essentiel de l’album a été enregistré à Conakry au studio de Mory Kanté. Qu’est-ce qui a justifié ce choix et qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Je voulais être près de ma source d’inspiration, la Guinée et l’Afrique. Ensuite c’était aussi l’occasion pour moi de remercier tous les musiciens qui m’ont accompagné depuis mes débuts en les faisant participer à la réalisation de cet album. Je pense aussi que lorsqu’un musicien de la trempe de Mory Kanté ouvre un studio d’enregistrement professionnel dans son pays c’est d’abord pour les musiciens de son pays et nous nous devons d’y effectuer nos enregistrements.
Que doit-on vous souhaiter pour aller dans le sens de ’’Blamah Blamah’’ ou de ‘’’Aya Yé’’ qui sont des ouvertures vers la joie de vivre ?
Tout simplement bonne chance !
Alors bonne chance et a vous le mot de la fin.
Bonne et heureuse année 2012 ! Que cette année pour vous et tous vos collaborateurs une année de réussite ! Que cette année soit aussi pour mon pays, la Guinée, une année de paix et de cohésion sociale.