Jupiter Bokondji est un véritable défenseur du patrimoine congolais.

Le musicien est souvent présenté comme Don Quichotte ou Robin des Bois, mais avec la sortie de son nouveau CD, celui qu’on appelle (le Général rebelle de la rue) est plus proche du héros d’un des plus grands succès littéraire paru en janvier 1759 : Candide ou l’Optimiste, le conte philosophique de Voltaire. Pourquoi ?

Revenons en cette période de baccalauréat à nos années de lycée où les œuvres classiques étaient au programme.

Ne sortez pas vos cahiers, ce n’est pas une interrogation surprise, mais déjà la matière qui traiterait ce livre, est-ce le français ou la philosophie ? Un peu des deux.
Pour se rafraîchir la mémoire, quelques rappels : Candide est chassé du château de Thunder-ten-tronckh où le philosophe Pangloss lui a enseigné : “que l’on vit dans le meilleur des mondes possible”, tout au long de son voyage, Candide collectionne les déconvenues. Son périple prend la forme d’un voyage initiatique avec la rencontre de Martin, pessimiste, pour qui seul le travail rend la vie supportable. Notre héros voltairien arrive à la fin de sa quête dans une petite métairie, où il découvre un bonheur concret, entre les deux visions optimiste de Pangloss et pessimiste de Martin, une façon basée sur “Il faut cultiver son jardin”.

Jean-Pierre Bokondji, alias Jupiter, a dans sa jeunesse en tant que fils de diplomate congolais, fait lui aussi son voyage initiatique en découvrant la culture occidentale, mais de retour en République Démocratique du Congo depuis 1980, il défend la musique congolaise riche de 250 Ethnies et 212 langues, en l’arrangeant et l’enrichissant de ses découvertes faites en Allemagne de l’Est, soit du jazz, blues, funk, rock.

Il martèle «La musique congolaise est immense. C’est ce que je dis aux jeunes qui viennent chez moi pour me demander ­conseil. Puisez dans cette richesse. Je n’ai fait, moi, qu’ouvrir la porte.». Son inlassable message est le même que celui de Voltaire, l’homme est capable d’améliorer sa condition par lui-même. Déjà en 2006, le documentaire « La Danse de Jupiter » avait présenté son projet dans le ghetto de Kinshasa, où grâce à la musique et la danse certains kinois évitent la drogue et la prostitution.

Dans ce nouveau projet, Jupiter & Okwess utilisent différentes langues, le tétéla pour exprimer la nostalgie douloureuse du temps passé dans «Pondjo Pondjo» morceau où Warren Ellis au violon souligne avec talent les paroles du chanteur.

Après un déferlement de percussion selon une rythmique lokikinda, «Emikele Ngamo» avec un chant en lomongo nous incite à la danse, ce que le refrain de «Ekombe» nous confirme – depuis la nuit des temps les gars on ne fait que danser-. Les arrangements et l’orchestration de l’ensemble des morceaux de Kin Sonic rendent cette musique accessible pour nos oreilles d’occidentaux, mais les rythmes et les phonèmes sont de traditions originales, «Ofakombolo» en est l’exemple, avec un cri tribal en introduction, suivit par un riff endiablé à la guitare légèrement saturée, accompagné par une percussion sur une rythmique loyenge.

L’ensemble de l’album délivre un message de rébellion contre la normalisation pour l’argent, les paroles de « Benanga » nous le confirment : il est question du mariage du roi qui invite toutes les tribus pour étaler ses richesses et Jupiter dit sarcastiquement en riant « j’en ai rien à foutre de son argent, ..fout moi la paix ».

Le souvenir des anciens est aussi important dans «Le temps Passé» véritable complainte, où Jupiter adresse aux ancêtres un message à propos de l’éducation «les jeunes qui s’écartent de la ligne de conduite,… mais vous savez vous même, quand on parcourt un morceau de chemin, les faux pas ne manquent pas, l’essentiel est que l’on ne se laisse pas croupir »

En effet l’écoute de Kin Sonic ne nous laisse pas croupir, c’est une véritable leçon philosophique auditive qui délivre le même message pragmatique de Voltaire “Il faut cultiver son jardin”, avec ses propres richesses et ses racines.

Maintenant est-ce que Jupiter est voltairien ? Pour ceux qui auront le plaisir de le voir sur scène cet été, posez lui la question et ne manquez pas de nous donner la réponse.

Line Up : Jupiter Bokondji Ilola : chant, percussions – Montana Kinunu : chant, batterie – Yende Balamba : chant, basse – Eric Malu-Malu : guitares – Richard Kabanga : guitares – Blaise Sewika : Chœurs , percussions : Warren Ellis : clavier, overdub, violon.

En écoute: ”Benanga”