Richard Bona:” Fait est qu’ailleurs nous sommes respectés…”

p_photo1Richard Bona: “Récupération ou pas, ce que je vois, c’est qu’il y a une ville, un maire ou un pays qui honore les arts et les artistes, au contraire du nôtre. J’ai été reçu avec beaucoup de courtoisie et de respect et c’est là ou réside la différence ; le respect de l’artiste”

Après Manu Dibango, c’était au tour de Richard Bona d’être l’invité du maire de la ville de Bordeaux la semaine dernière et pas seulement ; il a été fait citoyen d’honneur de cette ville. Distinction faite et remise  par le maire Alain Juppé himself. Ainsi me confiait l’artiste au téléphone : « J’ai passé des moments agréables avec lui et nous avons abordé plusieurs sujets. Je retiens que j’ai été bien accueilli avec beaucoup d’égards dans cette ville». Deux ans d’intervalle à peine, la ville de Bordeaux a choisi une fois de plus d’honorer l’autre grande  figure emblématique de la musique camerounaise.

A mon interrogation, qu’est ce qui justifie le choix d’un autre camerounais de suite pour cette distinction ? La réponse venant du coté de la mairie de Bordeaux est laconique et donnée par la chargée de Mission Culture, Développement Durable du cabinet d’Alain Juppé, Madame Andueza Geneviève : La nationalité camerounaise des 2 artistes n’est qu’une coïncidence.

Le bassiste reste lucide, pragmatique et réaliste. Gardant son sens de la dérision, il ne se départit pas du sens des choses. Lorsque dans notre conversation je fais observer : “On dirait que c’est une opération de récupération de la part de la Mairie, partant, de la France ? “. L’artiste qui n’est pas dupe et qui ne connaît que trop bien les choses renchérit par cette formule  hélas vraie : « Récupération ou pas, ce que je vois, c’est qu’il y a une ville, un maire ou un pays qui honore les arts et les artistes, au contraire du nôtre. J’ai été reçu avec beaucoup de courtoisie et de respect et c’est là ou réside la différence ; le respect de l’artiste». Puis de rajouter : « Je ne veux même pas que mon pays de naissance le fasse pour moi ; Qu’on commence à accorder ne serait-ce qu’un peu de reconnaissance à nombre de nos aînés qui le méritent et sont presque dans l’indigence. » Et d’insister sur un ton d’indignation : « Tu sais, lorsque j’étais au Cameroun la dernière fois, j’ai rencontré une très grande icône du football ; ce monsieur m’a reconnu et interpellé ; il était presqu’en guenilles et j’ai eu des larmes aux yeux… »

Alain Juppe et Richard Bona

Me tournant du coté de la mairie pour en savoir sur le sens de cette distinction, Mme Andueza affirme : ” la Ville de Bordeaux s’est positionnée depuis la célébration du Cinquantenaire des indépendances africaines sur la valorisation des nouvelles générations africaines, et à l’occasion du lancement de la 1ère “Journée de l’Afrique à Bordeaux”, l’objectif était d’honorer un des talents africains de cette nouvelle génération qu’est Richard Bona ; ce qui aurait pu être un autre talent (universitaire, entrepreneur…). Ici la nationalité camerounaise n’a pas été un critère.

Et la chargée culturelle d’apporter la précision quant au choix de l’un comme de l’autre : Quant à Manu Dibango, il s’agissait d’honorer un artiste-musicien qui, à partir de ses origines camerounaises a su enrichir la diversité culturelle française et qui a accepté d’être un pont entre le Cameroun et la France, à travers la musique. Et Bordeaux ayant cette vocation d’être la porte de l’Afrique (donc le Cameroun) Manu Dibango était bien indiqué.

Quelles que soient les intentions de ces distinctions venant de la France à l’ endroit de ces artistes, elles ont le mérite pour ces derniers de donner du sens à leurs efforts, à leur mission d’ambassadeurs de la culture. Ne reconnaît-on pas aussi la qualité et la force d’un pays à la façon dont il traite ses artistes ?