Zebson Pindy, de l’harmonie personnelle aux harmonies musicales.

Évoquez le nom de Zebson Pindy, pas grand monde vous dira le connaître. Il faut avoir été du côté de “Wasa-lamba” et de ses environs pour en avoir connaissance, ou alors, être un introduit dans le monde musical, pour que ce nom suscite une certaine, voire quelconque réaction. Et c’est “normal”, car depuis sa tendre jeunesse, celui qu’on appelait affectueusement (Sébédi) a toujours été un anti bling-bling.

Il symbolise l’anti-star par excellence. On dirait qu’il rassemble tous les ingrédients pour cela, dans un monde artistico-musical pourtant, où être star, est le Graal après lequel courent les différents intervenants. Quel paradoxe ! En le circonscrivant dans le milieu camerounais, ses origines, la chose prend encore de l’envergure. Car s’il y a bien la course effrénée à la starisation, au leadership chez les artistes-musiciens, le Cameroun n’est pas loin d’en être le berceau, et davantage lorsque les instrumentistes-bassistes sont concernés, quitte à recourir au fantasmatique pour être la star Number Uno.

Zebson Pindy/©Tribune2lArtiste

C’est ainsi par exemple, que dans le milieu camerounais, l’épineuse question de la paternité de la basse n’en finit toujours pas de créer des philippiques. Si vous y ajoutez celle de savoir qui est le meilleur bassiste du Cameroun, c’est la totale comme on dit. Nous n’allons pas taire les périphériques, mais qui ont leur importance : les maîtres incontestés et incontestables de tel rythme, les premiers à avoir joué avec un tel ou un tel autre, qui est musicalement le mieux outillé parce qu’ayant fait tel conservatoire, etc… La liste des critères, levain de certaines attitudes et de certains comportements chez les uns et les autres, peut parfois faire sourire…, mais révèle un état d’esprit.

C’est loin de cette doctrine du MOI exacerbé, que Zebson Pindy, par son attitude, sa qualité, tranche avec cet état des faits. Il détonne dans le milieu. Sa discrétion correspond à l’éloquence et aux pertinences musicales, qui font défaut à ces poursuiveurs du star-system, sans pour autant avoir les arguments qui vont avec. Car s’il suffisait seulement de savoir gratter.

Oui, Zebson Pindy fait partie de ces individus qui justifient que l’on peut ne pas être sous les feux des projecteurs et distiller de la lumière; pendant que certains courant après ces feux, n’être que de brillantes lanternes sourdes. Lui, en pédagogue, et tel un dresseur, sait parler de la musique, sait parler à la musique, pour former des musiciens. De son académie de jazz dans la ville de Douala aux divers conservatoires de musique en Europe, Zebson Pindy s’est montré être un maître. Muledi, Mudiyedi avons-nous envie de dire, en notre belle langue africaine. Il montre la direction, il oriente, il distille…il est maître à bord dans cette belle et grande fresque, qu’est l’art musical.

En tant que pédagogue, je ne promeus pas, ce que j’estime ne pas correspondre aux règles qui régissent cette chose, et la première de celles-ci, est un travail bien fait, fût-il le mien. D’ailleurs, j’ai dû renoncer à parler d’un projet, que j’ai sorti et que j’ai trouvé mal exécuté.” martèle-t-il.

Ces mots qui dessinent aussi la personnalité de cet enseignant (aujourd’hui au conservatoire de Velizy) et musicien, ont sûrement dû lui coûter quelques inimitiés, quelques fâcheries, venant de ces dieux autoproclamés (adeptes de la courtisanerie et de la flagornerie) de la basse au Cameroun et qui n’accepteraient pas quelconque contradiction. Lui qui, sans nier l’apport de ses devanciers, n’est tout de même pas prêt à boire jusqu’à la lie, certaines incongruités, au nom du principe de “j’étais ou je suis là avant toi“, niet ! Seule la connaissance de son sujet, la pertinence des arguments, bâtissent chez Zebson Pindy, le socle d’une discussion acceptable et courtoise, fût-elle avec un pseudo “dieu“.

Mais oui, on ne se refait pas. Qui a connu ce traditionaliste pourtant ouvert au monde, sait que l’homme a toujours été d’un sérieux, d’une rigueur, d’une harmonie, d’une exigence et d’une discipline exemplaires dans sa façon d’être ce, depuis la maison familiale à Wasalamba (Un des quartiers de la ville de Bonabéri).

Zebson Pindy/©Tribune2lArtiste

Un pays dans lequel, les gens n’ont pas la culture de la culture est destiné à sombrer.” regrette-t-il, en voyant le délitement culturel dans son pays et précisément dans la ville phare qu’est Douala.

L’homme considère que l’on ne saurait se couper du monde, de son environnement en s’enfermant dans sa bulle, bien que cette ouverture soit conditionnée par l’enracinement dans sa propre culture. C’est ainsi qu’il a essayé de multiplier divers projets allant dans ce sens ; mais qui malheureusement, n’ont jamais eu le soutien des gens issus de son propre cocon culturel. Des frustrations, qu’il a su convertir en des avantages, et qui en ont fait aujourd’hui un globetrotter des harmonies, admiré, demandé à Berlin, Paris et bien d’autres villes européennes…ignoré par son propre pays ????

Il a cultivé le goût de l’effort et l’amour de la chose bien faite. Et ceci n’est pas un hasard. Car le musicien d’aujourd’hui, sportif d’hier, a eu le temps nécessaire pour harmoniser tous les ingrédients récoltés ci et là pour devenir le maître, le professeur. De ses cages dans l’équipe de football (Indiens sauvages, d’ailleurs je n’ai toujours pas su, pourquoi ce nom) à l’époque de son adolescence, Zebson Pindy a eu le privilège qu’ont les gardiens de buts, d’observer le jeu, de bien l’analyser et d’en tirer généralement une meilleure lecture. De son expérience footballistique, il en faisait tout simplement une lecture d’une vie en harmonie. De cette harmonie personnelle, dispenser les harmonies, ne semble qu’être une suite logique. Mon parcours tant académique est aussi pour beaucoup dans ma compréhension des harmonies, rappelle également le bassiste.

Tel le berger qui conduit son troupeau, Zebson Pindy oriente celui-ci depuis l’arrière, car sûr de son fait, il sait qu’il l’a bien dressé. Il n’a la revendication de rien d’autre, à part celle de bien servir la musique en formant, car il est un maître de son art. Ainsi va l’art musical chez Zébédée Pindy. Et qui connaît la signification du mot Pindy, sait donc d’emblée, qu’on ne saurait attraper l’ombre de quelqu’un.