« Sorcier par le rêve » : La cosmogonie africaine expliquée à mes enfants.
Il est volontiers admis, comme le disait Frantz Fanon dans « Pour la révolution africaine » que l’homme est sans cesse en question pour lui-même, et qu’il se renie lorsqu’il prétend ne plus l’être.
Raphaël Eweck, cet ancien préfet aujourd’hui à la retraite, a fait le choix de ne pas céder à l’appel de la facilité en évitant de plonger dans ses écueils, en évitant le moule de la singerie identitaire pour se poser la question de savoir : « Ai-je en toute circonstance réclamé, exigé l’homme qui est en moi ? » se refusant au remords qui le plus souvent torture la fin de nos jours, lorsqu’on n’est plus capable de quelques actes et qui se traduit par : « N’ai-je pas, du fait de mes actes ou de mes abstentions, contribué à une dévalorisation de la réalité africaine ?».
Raphaël Eweck a fait le choix de la révolution. Une révolution qui ne parle pas par les armes, mais celle qui replace l’individu camerounais, noir dans son contexte. Ce qui est aujourd’hui, l’immense combat auquel l’africain est confronté. L’auteur de « Sorcier par le rêve » transmet ainsi un héritage ô combien précieux à ses enfants et à nous tous qui, confrontés à l’épineuse question de « qui suis-je ».
C’est dans cet esprit qu’il faut lire et comprendre « Sorcier par le rêve » de ce père de famille qui, conscient des enjeux majeurs de l’identité, du poids de l’environnement dans la formation de l’individu. Le roman s’avère être un accompagnement dans cette voie et aussi un legs, s’inscrivant dans la même ligne de pensée que les écrits de Cheikh Anta Diop. “Sorcier dans le rêve” est une œuvre révolutionnaire comme à son époque Frantz Fanon l’initiait avec son « Peau noire, masque blanc ». Raphaël Eweck grandit une fois de plus l’africain dans cette jungle de mots qui l’accablent trop souvent à tort et par une ignorance de mauvaise foi pour le replacer dans son élément ; celui qui permet de bien le cerner et de le définir tel qu’il est.
N’allez surtout pas aborder Sorcier par le rêve comme ces contes africains dont les noms de personnages vous semblent lointains donc très exotiques et réussissent à combler le manque d’exotisme ressenti par beaucoup. Non ! Autant vous le dire tout de suite, vous faites fausse route. N’attendez pas d’y voir des histoires de sorcellerie comme il s’en raconte tous les jours pour montrer l’irrationalité de la pensée africaine. Vous vous écartez de la vérité.
Ce dont il s’agit dans Sorcier par le rêve relève de la connaissance profonde du monde, vu par un africain, dans son propre référentiel, dans son propre paradigme. « Sorcier par le rêve » est une démarche cosmogonique d’un africain par des outils africains. Une cosmogonie africaine qui se laisse appréhender par celles et ceux qui ont eu la démarche initiatique pour capter les secrets des noms, des mots, des images utilisés pour illustrer la pensée de son auteur.
Sorcier par le rêve n’est pas ce charlatanisme que des scientistes et profanes de tous bords qui ont vite fait de masquer leur propre incompétence à comprendre des phénomènes que seuls les initiés ou des curieux intelligents peuvent comprendre, usent donc de l’anathème pour les disqualifier dès lors qu’ils viennent d’ailleurs.
Raphaël Eweck s’appuie donc sur sa légitimité à comprendre ces phénomènes pour ainsi conduire sa progéniture, nous conduire dans la compréhension de notre univers à travers des récits, des images, des métaphores, dans cette vaste Afrique ô combien mystérieuse et en même temps ouverte dès qu’on a les instruments pour la cerner. S’appuyant entièrement sur la connaissance et le charisme magique qu’il reçoit du Nzo, Raphaël Eweck nous donne les clés de compréhension de l’apparent mystérieux de l’Afrique. Sorcier par le rêve est tout simplement l’exploration de la réalité par la magie, la féerie des mots.
On ne peut que recommander ce roman qui se lit d’un trait et vous offre des éléments de compréhension du Cameroun, du continent, de l’Africain. Car Raphaël Eweck nous raconte l’Afrique vue par un africain avec cette particularité qu’il a eu des instruments pour comprendre son environnement et pouvoir ainsi interpréter ses sons, ses odeurs, ses signes etc.