Si Beethoven avait été cubain !

Depuis le 5 mars 2019, le monde de la musique est en deuil avec la disparition du pianiste compositeur Jacques Loussier, que les adaptations jazz de l’œuvre de Jean-Sébastien Bach avaient rendu célèbre.
Le décès de cet artiste laisse un goût de regret, au regard du manque de diffusion et de reconnaissance : les spécialistes du jazz lui ont refusé d’être cité dans le Dictionnaire du jazz et très peu de passionnés de Bach l’ont écouté.
Malgré le public important du pianiste ( plusieurs milliers de concerts, sept millions de disques vendus), il aurait dû être soutenu par les professionnels !

Telles sont mes réflexions dans cette gare SNCF de Dijon où, devant un café, j’attends ma correspondance, le 23 mars 2019.

C’est alors que j’entends un morceau de musique, «Beethoven In Havana» diffusé sur FR3 Bourgogne, la vidéo montre un pianiste, style premier de la classe, jouant le deuxième mouvement de la septième symphonie de Beethoven sur un Steinway à queue. Il tape un rythme de salsa sur le piano avec ses poings, des maillets et des baguettes. Après quelques secondes il est annoncé que la chaîne régionale de télévision est partenaire du nouvel album de Joachim Horsley.

Cette interprétation reste en boucle tout la journée dans ma tête ; et ce phénomène, qualifié par les scientifiques « d’imagerie musicale involontaire », me force à écrire cette chronique.

Joachim Horsley est sorti de l’anonymat en postant la vidéo de «Beethoven In Havana» en 2016, après un voyage à Cuba.

Il explique sa démarche « Je propose un mariage entre la musique classique européenne et le style afro-caribéen. C’est une grande poignée de main entre ces deux mondes ».

La modestie avec laquelle le musicien définit son travail pourrait faire croire à une simplicité d’arrangement, que nenni.

L’ensemble des œuvres reprises sont faites pour orchestre symphonique, aussi la première tâche est de les réécrire pour piano, puis après de les «cubaniser».

Le pianiste explique :

«J’essaye d’aller le plus loin possible dans ma démarche et je ne peux me contenter d’un «copier-coller». Je cherche la rencontre et la fusion. Être juste et ne pas faire de concessions avec moi-même est devenu une exigence majeure. Ce travail colossal a duré deux ans, pour apprendre et maîtriser les œuvres les plus complexes et techniques du répertoire classique européen (Mozart, Beethoven, Saint-Saëns, Malher…), puis les arranger suivant les codes esthétiques des musiques latines (jazz cubain, salsa, rumba…) sans dénaturer les œuvres originales, ni tomber dans l’appropriation culturelle des musiques du monde. Une vraie gageure ! »

Pour avoir une idée du travail de réécriture, visionnez la partition jouée en temps réel de «Amadeus Guanguanco», même les portées des percussions exécutées sur le piano y sont notées.

Le coup de cœur de cet album, exemple du perfectionnisme de Joachim Horsley, est «Rumbacabre», une réécriture-rumba de la Danse Macabre de Saint-Saëns où le thème est joué par la virtuose accordéoniste italienne Saria Convertino.

Il faut espéré que cet opus aura plus de reconnaissance professionnelle que le  regretté Jacques Loussier.

On peut le penser, puisque «Beethoven In Havana» et «Impromptuno» viennent déjà d’être mis en scène par la chorégraphe Marie Cazorla, pour la compagnie de danse ALEGRIA Dance Company de Montpellier .

Via Havana est une excellente façon de faire revivre les compositeurs classiques, comme avait dit le pianiste Glenn Gould à l’écoute de l’album Play Bach de Jacques Loussier.

Line Up :
Joachim Horsley : piano, piano sourdine basse, piano percussion.
Guests :
Willy Mayo (2) : percussions (camaco, clarin, maracas, shaker, quitiplas) – Jeikov Voguel (2) : clarin, quitiplas – Lorena Perez Batista (2, 9) : caisse claire, guiro, timbale, cloches et diverses percussions – Jeff  Pierre (4): mama drum, kata drum, congas, cloches et diverses percussions – Charlie Siem  (5) violon – Saria Convertino (8) : accordéon – Mb Gordy (8) : batterie – Charles « Trey » Macias (8, 9, 10) :  congas, cloches, et diverses percussions –  Chelsea Stevens : basse électrique (8) contrebasse (9) – Aldo Mazza (8) : timbale, cloches et diverses percussions.

En écoute : “Rumbacabre” :