R.Bizo:”Au Cameroun, c’est une jungle totalement sauvage “

Bizo33Ancien artiste interprète mais toujours auteur compositeur et surtout, Expert en Ingénierie culturelle et Professionnel dans le domaine du Spectacle Vivant, Robert Bizo a publié un guide pratique dans le domaine le domaine du spectacle vivant. Un guide qui est d’une aide précieuse pour tous les acteurs agissant dans le spectacle vivant.

Nous avons souhaité l’avis de cet expert sur les ”politiques culturelles” comme il le précise lui même. Il nous en livre quelques points ici, sur une série à venir.

C’est quoi une politique culturelle pour un pays ?
En fait, je préfère souvent parler de ‘
’politique culturelle’’ au pluriel car on opte plus pour les ‘’politiques culturelles’’. Le domaine culturel d’un pays étant large et diversifié. C’est en effet les politiciens qui décident de ce qui est culturel ou pas dans un pays. Pour revenir donc aux politiques culturelles, il est ici question d’un système normalement constitué, d’une batterie de dispositions juridiques mises en place par le législateur, permettant une interdépendance entres les différents corps publics que sont par exemple les communes, les départements et les régions. Ces corps en effet, ayant un lien direct avec les populations qu’elles administrent.

Les politiques culturelles sont donc des dispositions juridiques qui permettront de réglementer, de contrôler et de financer le domaine de la culture et ensuite, l’État qui régule ces textes, aura également pour être totalement complet, la lourde responsabilité de mettre en place les outils pour l’aménagement du territoire ‘’exercer son autorité culturelle par le respect des lois’’, assurer la protection et la conservation du patrimoine ‘’monuments, édifices historiques, etc ..’’, mettre en place les dispositions pour l’organisation des formations artistiques et culturelles et enfin, d’encourager l’édification des lieux de diffusion des produits artistiques. Pour prendre un autre exemple, les politiques culturelles dans un pays sont des dispositions qui régissent ce secteur tout comme il en existe dans les professions telles la communication (médias, journalistes, techniciens) ou dans les corps de santé ou encore du corps judiciaire…

Les mêmes éléments s’appliquent-ils pour le Cameroun ?
Absolument !!! Au Cameroun ou nous avons une culture francophone, nombre de nos lois à des exceptions prés sont des ‘’copiées et collées’’ des lois françaises et particulièrement dans le domaine de la culture. Il faut donc noter que mis à part la politique politicienne du ministère lorsque
l’on parcourt le décret n° 2005/177 du 27 mai 2005 réorganisant le ministère de la Culture au Cameroun, on lit l’énoncé suivant :’’ le Ministère de la culture est chargé de l’élaboration, de la mise en œuvre et de la politique du gouvernement en matière de proposition et de développement culturel, ainsi que de l’intégration nationale’’. Ce ministère n’a donc malheureusement pas mis en place des politiques culturelles or de politiques culturelles, l’exemple à prendre au Cameroun serait : la loi n° 2004/001 du 21 avril 2004 qui porte régime des spectacles et celle N°2003/013 du 22 décembre 2003 relative au mécénat et au parrainage mais, hélas jamais appliquées. Évitons aussi cet amalgame qui veut souvent que la loi sur le droit d’auteur soit souvent assimilée à la politique culturelle au Cameroun que Nenni! Elle n’est pas vraiment une politique culturelle traditionnelle mais plus une fuite en avant et un mensonge éhonté qui laisse toujours croire à l’opinion publique que lorsque l’on a modifié les statuts de la société de gestion collective, débarquer son président, le tutélaire au poste ministériel prend de longues vacances pour travail accomplis. Moquerie en fait car cette loi n’apporte rien dans le sens de la mise en place d’un développement économique des activités culturelles puisque, les droits d’auteur puisent leurs ressources financières de l’exploitation des œuvres artistiques ce qui laisse donc comprendre que la politique sur le spectacle par exemple a une disposition qui est relative au versement à une taxe à la société de gestion collective lors d’une représentation publique. La loi sur le droit d’auteur est plus sociale pour les ayants droits qu’économique.

Quels éléments de différenciation peut-on observer entre une politique culturelle au Cameroun et en France ? Qu’est-ce qui justifie cette différence ?
Les éléments de différenciation sont nombreux et surtout très profonds. Tenez par exemple au niveau du spectacle, les dispositions juridiques mises en place en France sont tellement vastes qu’elles permettent à un individu de pouvoir exercer comme professionnel (producteur de spectacles ou organisateurs de spectacles) dans un cadre bien défini. Les dispositions fiscales et sociales lorsque tu prestes comme artiste interprète (chanteur, danseur ou comédien ou même musicien) ceci dans l’esprit des recommandations de l’UNESCO sur le travail des personnes considérées comme artistes sont appliquées et respectées par tous. Les dispositions économiques, sociales et fiscales sont imposées aux employeurs actifs dans le domaine culturel ou encore les dispositions sur les contrats obligatoires d’artistes, de vente de spectacles et autre. Si en France, il existe des organismes de contrôle, de financement et de régulation des activités culturelles, au Cameroun, c’est une jungle totalement sauvage ou tout le monde fait ce qu’il veut, comme il veut et autant qu’il peut sans avoir de compte à rendre à personne. La raison : inexistence de politiques culturelles encadrant, contrôlant, finançant mais surtout (c’est mon avis), des politiques contraignantes qui permettraient le développement économique de la culture.

La justification de cette différence est liée à l’inertie ou à la peur des décideurs politiques camerounais à pouvoir légiférer afin d’organiser ce secteur pourtant économiquement viable et pourtant, créateur des emplois durables et pérennes.

Comment la met-on en application dans le cadre musical par exemple ?
Simplement en mettant en avant cette volonté politique, en ayant ce courage d’initiation des projets de loi dans ce sens. En prenant des décisions, les bonnes pour réguler ce secteur, encadrer les pratiques professionnelles, initiant les formations continues ou initiales, en prenant des décisions d’édification des espaces fermés ou ouverts permettant la diffusion des œuvres et surtout, jaloux du développement de mon pays, en permettant à partir de ces dispositions, une indépendance économique de la culture camerounaise. Grâce à des dispositions juridiques basées pour ce qui concerne la Cameroun, sur des lois vraiment révolutionnaires.

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