Lauren EKUE nous parle de “Carnet Spunk”
Présentation de l’auteur
Lauren Ekué a publié en 2005 son premier roman Icône Urbaine aux Éditions Anibwé. Carnet Spunk est davantage un essai fiction. Un reportage.
Lauren Ekué signe parfois des articles dans la presse féminine française à l’attention des femmes de la diaspora noire. Elle a débuté avec les revues Chocolate et Shenka. On retrouve ses articles sur la mode dans Black Fashion International.
Elle a collaboré aux services presse de grandes marques de luxe avant d’adopter la casquette de rédactrice beauté ou de s’essayer au stylisme photo. La femme noire et ses représentations dans un contexte occidental sont les principaux thèmes de l’auteure.
J’ai beaucoup d’estime pour les équipes et les initiateurs de projets que j’ai croisé sur mon chemin. Parce qu’il faut une bonne dose de culot pour oser des choses qui n’ont pas été tentées. La passion est vraisemblablement le moteur de ces personnes.
Qu’est-ce qui a inspiré cette œuvre ?
Ma vie dans les quartiers du Bronx et d’Harlem a inspiré ce livre. Il s’agit presque d’un carnet de voyage. De nombreux passages ont d’abord été annotés sur mon Moleskine. Harlem est une source d’inspiration pour moi. Je vis à Paris, dans la plus grande capitale africaine en Europe et mon expérience à New York dans ce qui fut la plus grande métropole afro-américaine n’est pas une situation anodine. Le destin de la romancière Zorah Neale Hurston, une personnalité importante de la Harlem Renaissance et « mère »des Afro-américaines écrivains eut aussi son importance. Le mot « spunk » du titre provient d’ailleurs de son recueil de nouvelles intitulé Spunk. J’ai beaucoup d’admiration pour elle, sa dignité et sa ténacité devant la vie.
Zorah Neale Hurston était une femme moderne, une héroïne. Une liberté au caractère bien trempé. Dans mon travail, j’essaie de donner la parole à des personnages féminins autonomes et indépendants.
La nuit du 04 novembre 2008 a beaucoup de choses à donner. L’idée d’être aux premières loges de la naissance de l’Amérique post-raciale dans mon contexte de post-féminisme est en soi une aventure assez jubilatoire. Assister à la créolisation des States, c’est kiffant !
Le livre de Juliette Sméralda paru aux Editions Anibwé a été le déclencheur de ma pensée. J’avais tellement de choses à redire que mon éditeur m’a encouragé à produire une réponse. Pour moi, toutes les femmes sont soumises aux diktats de la beauté. Il n’y a pas que les femmes noires qui adoptent des stratégies aliénantes pour se conformer à la norme.
Contexte de rédaction de Spunk.
Un artiste, un écrivain est un travailleur. Il peut s’aider de son imaginaire mais une partie de son esprit doit muscler sa créativité, pour cela il doit s’ouvrir, voyager, aller à la rencontre des autres, lire, se cultiver, se mettre au diapason des évolutions politiques, sociales de son environnement. Carnet Spunk a donc été conçu cette nuit du 04 novembre 2008, une soirée qui fera date dans l’Histoire des États-Unis. J’étais donc à Manhattan pour des raisons affectives. Et j’ai rejoint le Bronx, Harlem pour des raisons personnelles. Quand on est dans la douleur on a besoin de se sentir entouré d’une sphère protectrice. Et ces deux quartiers ont rempli cette mission. J’y ai rencontré des alliés, des béquilles au moment où j’en avais le plus besoin. J’ai appris des choses, j’ai enseigné des choses. Les échanges étaient brillants et féconds.
Cette nuit, à Harlem, et pour une fois, j’étais parfaitement à ma place. Je décris ces heures de fête. Je célébrais la victoire du couple Obama et les premières notes du texte montaient dans ma tête. Être au cœur d’un tel événement et le vivre heure par heure est une expérience d’une autre dimension que de squatter son fauteuil en regardant avec le décalage horaire les scènes de liesse des rues américaines. Je peux dire et je pourrais dire à mes enfants que j’étais là.
Par ma nature ou déformation professionnelle, je suis une beauty addict, en voyant Michelle Obama, femme forte, belle et digne à laquelle je pouvais m’identifier jusqu’à la chevelure et les thèmes liés à la question capillaire se sont incrustés dans le récit. Le Shrine est mon QG à Harlem, une partie du texte est né là-bas.
J’étais à New York pour suivre une voie bien éloignée de la littérature. Je ne cherchais pas d’inspiration et je ne planifiais pas d’écrire sur cette expérience. La gestation du texte s’est fait un davantage in vivo qu’in utero. Au final, il a permis un recyclage intégral de mes larmes made in Manhattan.
Anecdotes et coulisses du roman
Ma présence dans ces quartiers a alimenté de nombreuses situations comiques. Certains passages de Carnet Spunk proviennent des « chutes » d’un manuscrit avorté. La vie est faite de rencontre et j’ai vraiment adoré serrer la main du politicien Charles B Rangel. Cet ancien militant anti apartheid arpentait encore les rues pour motiver les « street teams ». J’ai reçu un badge, des autocollants et des prospectus des Démocrates de Harlem. J’étais moi aussi, la petite Frenchie enrôlée pour la victoire. Sans le vouloir, j’ai participé à la vie de quartier. Je devais donc renseigner les gens sur le lieu et l’heure de la fête. Nous savions que Barack Obama allait gagner, on le lisait dans le regard des personnes âgées. J’ai été très touchée par leur émotion.
J’ai également beaucoup d’anecdotes sur les salons du livre. Mon lectorat est jeune, cool et multiculturel. Ces lecteurs sont des résistants. Spunk signifie qui a du cran, du courage, des couilles. Ils n’en manquent pas. Si je peux apporter du rêve, de la connaissance et de l’identification tant mieux. L’essentiel est d’intégrer les réalités psychologiques et sociologiques de notre époque au récit.
Un petit résumé de cette œuvre.
Lauren Ekué signe un premier essai fiction à coups d’uppercuts rageurs. Miss Don King, son double à la tignasse indomptée arpente les trottoirs de Harlem la nuit du 04 novembre 2008. Alors que Michelle Obama remporte à échelle planétaire ses premiers galons d’icône glamour, Ekué s’interroge sur la condition des femmes noires. Elle répond aux détracteurs qui prétendent que le cheveu défrisé est à lui seul un marqueur indélébile d’aliénation. Elle rappelle que l’ensemble de la communauté féminine se plie aux exigences tyranniques des canons de la beauté actuelle. Nul doute de la victoire par K.O de Lauren, Miss Don King sous les feux des projecteurs de lumières noires.