“CELIA”, ou le parfait équilibre du regard d’une artiste de référence,pour une reine.

Elle voyage plutôt bien, la native de Ouidah, Angélique Kidjo. En quarante ans, depuis “Pretty” l’album qui la propulsa au-devant des africains et dans lequel en langue duala (une des langues du Cameroun), elle interprétait “Ninivé” du compositeur et producteur Ekambi Brillant, à CELIA aujourd’hui, dans lequel, elle nous entraîne dans l’univers de sa consœur cubaine Celia Cruz. Un parcours qui en fait indiscutablement la figure iconique féminine d’envergure et de référence de la musique africaine dans le monde.

Dans la marche vers la conquête du temps, celui-ci que nous pouvons définir comme étant fonction de ce que l’on en fait, Mohamed Ali disait ceci: Qui a la même vision du monde à vingt ans qu’à cinquante, a perdu trente ans de sa vie. De Pretty enregistré il y a 40 ans, mieux,  lorsqu’elle avait 20 ans, à CELIA aujourd’hui, on peut dire qu’Angélique Kidjo a su adapter sa vision aux années qui défilent et en tirer les avantages.

 Dans cette marche, le temps (la patience) a toujours été un facteur déterminant. Loin de se précipiter, Angélique Kidjo laisse le temps faire son temps. Elle aurait pu enregistrer un album avec elle, l’occasion était pourtant là, puisqu’elle a partagé la scène avec elle ; seulement le temps n’avait pas encore montré tous les signes pour cela. Aujourd’hui, elle lui consacre néanmoins un album, car, dit-elle : Quand il s’agit de musique, je ne suis jamais en train de forcer les choses. Elle n’a pas enregistré avec Celia Cruz, mais elle chante Celia Cruz, la restituant dans ce qu’elles ont de commun, en plus de la musique, leurs racines communes, leur africanité.

Angélique Kidjo/©Tribune2lArtiste

Autant le dire de suite, avec CELIA,  nous avions déjà un apriori positif, la raison en est toute simple. Témoins privilégiés de sa préparation (rodage). Quasiment toutes les prestations scéniques d’Angélique Kidjo précédant la sortie de l’opus, avaient toujours pour thèmes, quelques chansons que comportent celui-ci. Et quiconque a vu faire la béninoise et ses musiciens lors de ses prestations, pouvait déjà s’imaginer ce que serait l’album. Les acteurs ne sont certes pas les mêmes, mais le fond est resté fidèle, obéissant aux exigences d’efficacité, de beauté.

C’est dès son emballage que la nouvelle production d’Angélique Kidjo annonce sa luminosité, son éclat. Une exigence maintenue et visible sur le support, un véritable objet de décoration, s’il ne servait pas à nous bercer ou nos faire danser, selon que…

Mais prenez donc : MESHELL NDEGEOCELLO, TONY ALLEN, SHABAKA HUTCHINGS, DONALD DONATIEN et le GANGBE BRASS BAND et associez les aux AMEN VIANA, DOMINIC JAMES, XAVIER TRIBOLET, THEON CROSS, CRESPEN KPITIKI, BENOIT AVIHOUÉ, TOM SKINNER, EDDIE HICK, CLEMENT PETIT, vous éprouverez le même plaisir que celui qui a été le nôtre, en voyant Angélique Kidjo performer sur scène.

Un véritable équilibre entre la fidélité à l’œuvre « originelle » et l’originalité de la reprise qu’on ne saurait atteindre, si on n’est pas habité, investi par l’esprit de l’auteur. Et c’est à ce niveau qu’Angélique Kidjo a réussi le pari de chanter Celia Cruz, faisant de CELIA, une œuvre nouvelle, par la fraicheur et la qualité des arrangements. CELIA est un autre regard, une autre voix, qu’une reine adresse à une autre, préservant ainsi les joyaux de cette grande cour, qu’est la musique et ses différents esthétismes.

En écoute:”La vida es un carnaval”