Calixte Beyala:”…si certains croient bons d’abandonner leur culture. “
Écrivaine, femme de conviction, Calixte Beyala ne laisse pas indifférente. A l’avant-garde des combats d’émancipation, la franco-camerounaise reprend son bâton de pèlerine pour cette fois, s’attaquer à la citadelle de la Francophonie dont le gardien actuel est Abdou Diouf qui, malgré deux mandats à la tête de cette organisation ne compte pas s’arrêter malgré l’âge, un peu à l’image du président Wade et autres dinosaures africains qui ne connaissent pas l’usure du pouvoir.
Le souhait de l’écrivaine serait de voir l’organisation internationale de la francophonie (OIF) revenir à ses fondamentaux et non s’engluer dans les travers de la politique dans laquelle ses prédécesseurs l’ont confinée, loin des peuples et de leurs aspirations culturelles.
Je lui ai posé quelques questions pour comprendre ses motivations et ses ambitions pour l’organisation dont elle aspire à diriger. Fidèle à elle-même, c’est-à-dire sans langue de bois, elle a répondu avec tout le tonus dont a peut-être besoin une organisation culturellement avachie à l’image de ses dirigeants ?
Bonjour Calixte, il est aujourd’hui certain que vous souhaitez prendre le poste de secrétaire générale de l’OIF. Qu’est ce qui motive cette démarche ?
Il est certain que les temps sont venus d’entrer dans une francophonie populaire ; une francophonie de proximité, une francophonie qui tienne compte des désirs des peuples qui la constituent, une francophonie qui accompagne artiste, créateur et acteur du monde économique, une francophonie à l’écoute des aspirateurs de l’espace francophonie. Il serait plus que temps, il serait urgent de sortir de cette francophonie bureaucratique lourde, celle qui se déroule si loin, si loin des peuples
Quel bilan dressez-vous de cette institution à ce jour ?
A chaque génération appartient une mission ; celles qui nous ont précédées ont fait de leur mieux pour faire vivre l’institution avec les raisonnements propres à leur époque. Aujourd’hui, la francophonie se doit d’être dynamique, compétitive afin de faire face aux défis du millénaire.
De loin, OIF semble être une institution plus politique que culturelle. Ne partez-vous pas ‘’diminuée’’ face à votre concurrent qui lui est du sérail politique et qui a les faveurs de certaines personnalités politiques ?
La francophonie a été créée par des écrivains, des intellectuels sur un socle précis : la langue française que nous avons en partage et certaines valeurs que nous partageons de part leur universalité dont la démocratie, la fraternité et la solidarité nécessaire à l’avancement de l’humanité. Qu’est-ce que la politique ? Écrire,’est-ce point un acte politique ? Participer aux débats n’est-ce point poser un acte politique ? Je ne me sens nullement démuni face à mon adversaire pour qui j’ai le plus grand respect. J’ai confiance aux peuples et aux dirigeants du monde francophone.
L’une des critiques les plus acerbes mais pourtant vraie, adressée à la Francophonie venait de Mongo Béti qui la définissait je cite : ” La francophonie est une stratégie de contrôle de notre créativité et même de notre devenir “. Est-on loin de cette définition aujourd’hui ?
J’ai un grand respect pour Mongo dont j’ai toujours salué le talent. Mais cette opinion lui appartient et il me semble inconvenant de lancer un débat avec un mort.
Comment comptez-vous inverser cette tendance et favoriser une politique volontaire des langues africaines qui se meurent ?
Est-ce la faute de la francophonie si chez eux les parents ne s’adressent à leurs enfants qu’en Français ou en Anglais ? Est-ce la faute de la francophonie si certains croient bons d’abandonner leur culture ? La francophonie a toujours été pour la diversité culturelle, elle l’a toujours prôné et je m’attellerai à cette tache si l’honneur m’était donné d’être la secrétaire générale de cette noble institution. Mais je tiens à préciser que le socle de la création de la francophonie est la langue française, mais celle-ci n’est pas excluant.