Chroniques

Reggie Washington revient dans les bacs avec Rainbow Shadow II, sublimant encore un peu plus l’œuvre de Jef Lee Johnson, par des arrangements exquis.

Il appartient à cette classe des bassistes dont la discrétion est aussi parlante que l’est son jeu, bien que pas très souvent sous les feux des projecteurs. Oui, Reggie Washington est tellement discret qu’on oublierait presqu’avec et de sa basse, il sait rugir avec la même énergie qu’un fauve et compte parmi les as de son instrument. Sur scène, quiconque a vu prester le new-yorkais et bruxellois d’adoption, que ce soit derrière Robin Mc Kelle, Roy Hardgrove, Ronald Shannon Jackson, Ravi Coltrane et bien d’autres comme Steve Coleman dernièrement, ou avec ses formations propres, sait dire avec quelle efficacité son groove est à la fois chatoyant et entraînant.

Jeu chatoyant, lignes de basse explicites et sophistiquées, la rencontre avec la basse et Reggie n’est pas le résultat d’un hasard. Reginald Reuben Washington de son vrai nom, pouvait-il échapper à la musique, lui dont le grand-frère Kenny Washington, compte parmi les éminents batteurs jazz, la sœur Yvette, enseignante de musique depuis 35 ans. De Reggie Workman et sa basse qu’il voit débarquer à la maison familiale en 1969 pour des sessions de jam, en passant par la vue d’un jeune homme de 15 ans et non des moindres (Marcus Miller) qui vient, milieu des années 70 au Staten Island (où se trouve la maison familiale des Washington) prendre des leçons de jazz auprès de son grand frère, sont parmi quelques éléments qui ont éveillé l’amour de Reggie Washington pour la basse. Histoire de rencontres, comme seul cet art sait en produire. Celle avec Jef Lee Johnson (disparu en 2013 ) en 2002 et à l’origine de deux albums qui lui sont dédiés, dont le présent volume, sous le concept de “Rainbow Shadow”. Sortie officiellement prévue pour le premier décembre 2017.

Reggie Washington/©Tribune2lArtiste.com

 

Deux ans après le volume I ponctuant également sa troisième signature en tant que musicien leader, Reggie revient avec le volume II pour continuer son hommage à celui qui l’avait sidéré et qui, depuis sa disparition, est comme sa muse. Rainbow Shadow I et aujourd’hui le volume II, sonnent comme des œuvres hagiographiques et témoignent de l’impact qu’a eu ou continue d’avoir Jef Lee Johnson sur le bassiste. L’œuvre du guitariste et la puissance de ses messages sont ici portées et sublimées par la dextérité du bassiste qui, méthodiquement, leur octroie d’autres colorations sans jamais trahir leur essence.

Silence, est le titre qui ouvre l’album, avec la puissante voix de Monique Harcum. Le premier morceau parmi les 17 que compte la galette. Silence pour un titre qui pourtant est assez “bruyant”, fort, de par la qualité du message qu’il délivre. Comme pour mettre en exergue la puissance des messages Jef Lee Johnson. Si dans les 17 morceaux qui composent l’opus, la plupart sont de Jef Lee Johnson, Reggie y apporte une contribution non négligeable par des compositions et des arrangements personnels. Mais ce qui rend davantage exceptionnel cet opus, c’est le regard d’autres intervenants qui, de par leur rapport avec Jef, apportent par leurs arrangements, leur regard, le caractère vraiment rainbow au projet.

En parcourant toute la galette, la colorée palette des sonorités offertes vous met parfois devant un heureux embarras. Celui d’avoir la possibilité de les savourer toutes et de ne point avoir la certitude d’en aimer une plus qu’une autre, parce que…se valant.

Si l’on considère que Jef Lee Johnson a traversé notre époque tel un météore, alors il faut saisir et voir en le concept Rainbow Shadow de Reggie, non pas un simple hommage d’un artiste pour un autre ; mais plutôt comme l’incandescence d’une lampe qui ne s’éteindra jamais et dont l’âme et la mémoire sont définitivement inscrites dans l’atemporel ; la veille étant assurée par les chaleureuses lignes de basse de Reggie, les riffs solaires de Marvin Sewell auxquels viennent doctement se greffer d’autres musiciens sous la cadence chaloupée de Patrick Dorcean à la batterie et les samples de DJ Grazzhoppa.
Rainbow Shadow vol II est la parfaite synthèse de l’un et de l’autre des deux amis; donnant une part de Jef Lee Johnson et une autre de Reggie, sans que l’un empiète sur l’autre, mais dans le respect de l’esprit du guitariste.

En écoute,”Blind Willie McTell”:

Jean-Jacques Dikongué

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