Yilian Canizares: “J’ai senti le besoin de m’exprimer à travers cet instrument et mes racines africaines sont ressorties.”

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©Samuel Nja Kwa|Tribune2lartiste

La violoniste cubaine sort un deuxième album au titre évocateur. Elle s’inspire du passé pour évoquer le présent et l’avenir. La spiritualité, les saveurs, les couleurs de cet opus en font une ode à la vie.Rencontre.

Qu’évoque le titre Invocación?
Ce titre rappelle nos croyances afro-cubaines, Yoruba. Cet album parle des personnes importantes, qui continuent à m’accompagner après leur disparition. J’ai été inspirée par ceux qui sont partis. Le fil rouge de cet album c’est l’invocation des ancêtres, de ceux qui m’ont inspirée. Bien que ma musique soit ancrée dans mes origines, il y a un regard vers le futur. C’est une invocation à l’avenir.

Êtes-vous croyante ?
Pour nous Cubains, il n’y a aucune difficulté à avoir plusieurs religions. Ma sensibilité me porte vers la religion afro-cubaine. L’amour de la musique fait aussi partie de moi.

Comment vous êtes vous éprise du violon ?
Le violon est un instrument classique. J’ai senti le besoin de m’exprimer à travers cet instrument et mes racines africaines sont ressorties. Je ne les ai jamais cultivées, c’était un signe, je ne les ai pas apprises à l’école, c’était comme une vibration. On ne peut pas échapper à son passé, malgré mon éducation, je reviens là où tout a commencé. Forcément, il y a le côté africain, rythmique, mais on oublie souvent la mélodie qui a une consonance particulière, qui module les chants religieux cubains. J’y entends la modulation harmonique qui m’a été transmise ; ce n’est pas un hasard.
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Dans cet album, il y a de grandes références, le brésilien Alê Siqueira, producteur de Roberto Fonseca, Omara Portuondo, Mayra Andrade, vous avez fait appel à Akua Naru et bien d’autres artistes…
Avec Alê Siqueira, nous avons en partage la musique et la religion yoruba. J’aime la musique et j’ai envie de toucher à tous les styles : classique, jazz, afro-cubain, hip hop, urbain. Tous ces ingrédients font parties de ma cuisine.

C’est ce qui vous a amené à reprendre Edith Piaf par exemple ?
Je me suis permise de reprendre Piaf parce qu’elle fait partie de ma vie. Je voulais faire un album qui me ressemble. Edith Piaf fait partie des gens qui m’inspirent. J’avais quelque chose à dire avec le titre Non je ne regrette rien, c’est mon regard, ma culture.

Si votre musique était un plat culinaire ?
Ce serait un plat mijoté, où il y aurait toutes sortes de légumes, de la viande, du rythme et un peu sucré. Un plat chaud avec toutes sortes de saveurs.

Sur la scène politique, les États-Unis ont lâché un peu du leste afin que Cuba respire. Quel est votre regard sur cette nouvelle situation ?
C’est un moment très important. Il y a eu des années de conflits et de divisions entre les Cubains. La nouvelle génération en a marre de cette division. Elle en a marre qu’on sépare les Cubains de Miami de ceux de l’Europe ou de ceux qui sont restés au pays. Il est temps de mettre tout ça de côté notre différence et de nous rapprocher les uns des autres. La jeunesse cubaine a besoin de ce rêve car il y a quelques années, la seule alternative était de partir. Je n’ai pas non plus envie que Cuba perde son identité. Il faut nous donner le temps, ne pas passer d’un extrême à un autre, c’est une note d’espoir. Nous sommes partout et il est temps que la politique fasse place à quelque chose d’autre, à la fraternité, à l’amour.

©Samuel Nja Kwa|Tribune2lartiste
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