Rido Bayonne, l’art du partage.

L’homme en a qui en impose. Du haut de ses 69 printemps, si son timbre vocal est plutôt apaisant, son physique vous intime toujours un certain recul, malgré la nonchalance du pas. Quelques soucis de santé sont passés par là, ont réussi à ralentir son dynamisme. Bonne nouvelle cependant, l’homme reprend du tonus et s’active plutôt bien. Et une fois que vous vous mettez à table, la sagesse du propos vous séduit. Ceux qui l’ont connu dans la fleur de l’âge disent qu’il s’est bien rangé.D’ailleurs il ne s’en cache pas :

Si vous ne canalisez pas la musicalité en vous, elle peut, dans son expression, se révéler trop dangereuse. Elle vous expose à toutes sortes de sollicitations. Tous ceux qui avaient ce trop-plein de musicalité, sont partis très tôt…car elle peut conduire à tous les excès. Quand on pense à Jaco Pastorius par exemple et sa fin, c’est triste.

L’actualité se voulant oppressante et rythmant un peu les conversations, difficile d’échapper à celle de son collègue Papa Wemba. Visiblement marqué par l’événement et pour cause. L’homme n’est pas, comme de nombreux téléspectateurs, resté insensible aux images qui montrent le décès de son jeune collègue sur scène. Et sur l’unanimité du talent de ce dernier:

Il a été un des merveilleux ambassadeurs de la musique congolaise ; il a su la porter très loin à l’international. ” Puis d’insister sur la prudence que devraient observer les artistes quant à leur santé : Il faut toujours suivre les recommandations de ses médecins ; les miens m’ont dit d’observer une bonne période de break ;c’est ce que je fais…ils sont mes guides pour l’instant.

Si le temps a réussi à bouger beaucoup ( ?), certaines ( ?) choses dans le quotidien de Rido Bayonne, il y en a une qui n’a pas subi ses affres : son amour pour son art, sa rigueur du travail bien fait, son sens du partage…bref, sa science musicale. Oui, son intransigeance lorsqu’il s’agit du travail, reste intacte.

Parfois j’ai eu recours à des méthodes extrêmement sévères pour faire comprendre aux uns et aux autres que lorsqu’il s’agit du travail bien fait, je ne badine pas. J’ai renvoyé quelques paresseux auprès des leurs, d’autres sont partis d’eux-mêmes…

©Tribune2lartiste/Rido Bayonne
©Tribune2lartiste/Rido Bayonne

 

Cet amour du partage des connaissances qui en a fait presqu’un deuxième paternel, un véritable révélateur de talents, un enseignant, ou juste un conseiller pour toute une génération de musiciens et pas des moindres. D’Émile Parisien, Cédric Baud à Hadrien Feraud, en passant par Nicolas Guéret, Jean Pierre Como ou encore Paco Sery, ceux qu’il a vu naître physiquement et musicalement pendant son séjour au Cameroun [Étienne Mbappé, Richard Bona] etc…ils sont nombreux, qui sont passés d’une manière ou d’une autre dans le moule de Rido Bayonne. Il en va ainsi de ce multi instrumentiste et chef d’orchestre. Vit-il le syndrome de l’instituteur dont les élèves ne se souviennent même plus du nom ? L’homme est lucide et plein de sagesse :

Ce n’est pas bien grave s’il y en a qui n’en parle pas. Cela n’enlève pas ce qui est et je peux les comprendre par-dessus tout. Je suis plutôt content de les voir réussir, de les voir au sommet pour beaucoup d’entre eux. Et c’est peut-être mon carma qui fait qu’ils ne se souviennent pas ou plus de moi pour certains, qui sait !

Rido Dieudonné Bayonne, pour un congolais cela ne le fait pas disent les puristes de tous les bords. Et pour couronner le tout, sa musique se joue des frontières pour aller à l’essentiel : ouverture vers, pour toucher tout un chacun selon sa sensibilité. Elle est riche de son itinéraire, de ses rencontres, elle est le groove de ses alliances. Cette notion d’alliance qui tire sa source au Cameroun, qui est tout simplement partage; lui, fils adoptif de Ruth Eyango.

J’essaye de donner en retour, ce que le Cameroun m’a donné. C’est pour cela que je partage avec intransigeance, certes humbles, mes connaissances musicales; mais avec beaucoup de générosité, de passion et sans demander quoi que ce soit en retour.

Cette reconnaissance qu’il a su si bien exprimer dans l’album Douala-Brazza. Par convenance linguistique ou pour d’autres raisons, il aurait pu l’intituler Brazza-Douala, il n’en est rien. Mais bel et bien de Douala-Brazza, comme pour dire que : tout part de là-bas, lui le natif de Congo (Pointe-Noire) pourtant.En résumé, s’il fallait définir en un mot Rido Bayonne, il semble que le mot Alliance, soit le mieux indiqué.