Gino Sitson, l’Afrique revêt ses beaux habits.

Il n’a pas eu besoin d’une auto-glorification qui caractérise le monde musical camerounais et africain ; du genre s’autoproclamer “historien de ci ou de çà “ “numéro un de ceci ou de cela“, exercice prisé de nombreuses personnes qui s’essaient à la musique en essayant de se distinguer dans la cacophonie. Parce qu’il est artiste dans le sens noble du terme, la qualité et l’intégrité étant les seuls baromètres dont il se sert pour avancer, cela a suffi, pour que la profession reconnaisse en lui un des siens et lui octroyer des honneurs dus à son mérite, à son talent et ainsi obtenir la distinction après laquelle les premiers cités courent en s’autoproclamant. En 2006, Gino Sitson est fait Ambassadeur des Arts et de la Culture de la ville de Miami pour le mois de l’histoire des Noirs.

Lorsque pour la première fois, l’on rentre en contact avec son œuvre l’on est désaxé et perdu. L’univers qu’il aborde ne nous est pas familier, il n’est pas forcément notre référentiel, se dit-on par pure méconnaissance. L’on est désaxé car le flirt avec ses sonorités offre d’autres sensations, de bonnes sensations, celles qui nous réconcilient avec l’agréable, le beau, le bon goût etc…Celles qui conjuguent efficacité et sublimité.

On lui a cherché des filiations possibles telles que le Al-Jarreau ou le Bobby Mc-Ferrin africain ; sans nier leurs influences, il me confie qu’ils ne sont que des repères, comme nous en avons tous besoin, mais ne se sent aucune filiation avec les illustres aînés suscités, même s’il se sent flatté de la comparaison.
Gino Sitson, est en effet Gino Sitson, cet excellent artiste qui a réconcilié l’Afrique avec elle-même en l’a ramenant à ses origines, à ses sources avec un art musical qu’on croyait lointain, étranger mais qui nous est pourtant proche, pourtant familier et qui nous est tout simplement inhérent.

Gino_Sitson
©Gino Sitson

L’homme n’est pour autant pas cloisonné dans son esprit et sa musique en est la parfaite illustration. Ouvert au monde, il n’en oublie surtout pas que cette ouverture n’est possible que dans l’enracinement profonde dans sa culture, dans la connaissance de soi. Ainsi doit-on comprendre le néologisme qui titre son second album (Bamisphère) et sa musique tout simplement. Engagé, l’artiste est convaincu que la reconnaissance de l’Afrique passe par son intégrité à ses valeurs et non à la singerie morbide.

De “Vocal Deliria“ à Song zin’ “ Je vais vous raconter“, avec la participation du plus complet des bassistes camerounais Noël Ekwabi qui assure la basse acoustique dans le dit opus et du virevoltant batteur Denis Tchangou entre autres, Gino n’a cessé de susciter la curiosité par le choix de ses multiples explorations musicales. La même interrogation revient: Où nous emmène- t-il cette fois encore ? Si en Afrique Gino Sitson souffre encore du mal dont souffrent tous ceux qui, comme lui, ont l’avantage de percevoir les choses avant la grande masse, ailleurs il s’est établi comme la référence, la norme. Cette incompréhension ne vient-elle pas de ce manque de curiosité qui fait la différence entre le précurseur Gino Sitson et la majorité ?

La rencontre avec l’artiste permet de cerner l’approche et l’esprit de ses albums et livre quelques bribes de réponses précises à l’interrogation que suscite chacun de ses opus dont la coloration met en évidence son métissage qui, de son bazou natal jusqu’à l’anglais rappelle son habileté à swinguer de sa voix avec toutes les langues et être, à n’en pas douter, l’un des meilleurs instrumentistes de sa génération. “ Comme les bassistes ou les autres instrumentistes, la voix est un instrument avec cette particularité qu’il faut la traiter avec délicatesse“ et de rajouter, parlant des possibilités musicales/vocales qu’offre son pays natal :“ Rien que dans le Cameroun, la source reste inexploitée, qu’il faut, pour les générations futures, travailler et leur laisser des bases solides“ rappelle-t-il.

Où nous emmène Gino Sitson ? Habile, fin et futé, l’avant-gardiste vocaliste africain a pris le soin de camoufler la réponse dans sa dernière inspiration : “ Way To Go“. Un album qui signe l’aboutissement d’un travail de recherches, d’explorations musicales d’un garçon qui a décidé de dire des poésies “mélodiques“ africaines avec des ingrédients du monde ce, depuis sa tendresse enfance.

Car plus que jamais, “Way To Go“ montre la voie que Gino a tracée, et nous invite à le suivre. Riche de 12 titres exceptionnels, “Way To Go“ est la fusion de toutes les expériences humaines et des recherches d’un garçon qui a fait le pari d’entrer dans le concert mondial en redonnant ses habits et ses couleurs à l’Afrique, faisant d’elle une belle aux beautés variables et insondables mais encore inavouées.

Sans doute aucun, “Way To Go“  rappelle aux uns et aux autres que l’Afrique et le Jazz sont et font un.
Way to go