Franck Nicolas:”Il me paraît légitime de demander à avoir les mêmes chances qu’un trompettiste Français de souche pour les programmations Jazz en France et face aux Victoires Jazz de la musique, ce qui est bien loin d’être le cas…”

Incapables d’assumer les choix de ne pas programmer certains artistes, d’aucuns ont fait le choix de se réfugier derrière des définitions pour exclure, discriminer. Ainsi, on dissimule mieux un rejet systémique, pratique séculaire à l’encontre d’une population. On se targue être un pays des lumières, alors qu’on l’illumine par des actes obscurs. Si Franck Nicolas (dont nous mettons in-extenso le propos ci-dessous) ne fait pas le jazz ; alors qu’on redéfinisse clairement ce qu’est celui-ci. Et cette mission, cette frange de France qui continue de baigner dans ses Phobies (Négro & Xéno) endémiques, doit avoir le courage de la remplir. Car, si en tant que français des îles, Franck Nicolas et bien d’autres souffrent de cette exclusion des programmations des festivals, d’autres artistes, qui pourtant enrichissent le patrimoine musical français, en sont aussi victimes. Deux ou trois artistes pris ci et là comme « branding », histoire de mieux asseoir cette pratique d’exclusion et faire oublier la politique de rejet qui fonde un pays qui pourtant, s’est construit et se construit par ce qu’il arrache de force à, et/ou obtient de chez ces étrangers des Antilles ou d’Afrique.

Franck Nicolas explique donc:

EN GRÈVE DE LA FAIM pour deux raisons:
1-Pôle Emploi a décidé que l’asso qui déclare une bonne partie des musiciens de Montpellier, n’était pas viable. Je me retrouve condamné à rembourser 2 ans d’assedics et on ne me verse plus d’indemnité…BREF, ils me jettent à la rue.

2-J’en ai plus que marre, lors d’un envoi de l’un de mes albums Jazz-Ka aux programmateurs de festivals qu’on me rétorque : « C’est pas du Jazz ».Je dénonce une discrimination évidente à l’égard de la musique Jazz qui vient de Guadeloupe ou de Martinique…Quel musicien des Antilles Françaises a déjà eu une Victoire Jazz de la musique ? Pourquoi n’y a- t-il aucun Martiniquais ou Guadeloupéen sur la grande scène de Marciac (avec son groupe de Jazz Caribéen )? On n’est pas du niveau des autres? Est-ce que nos musiques Biguine, Jazz-Ka,ou Jazz-Bèlè, sont si peu intéressantes qu’elles ne méritent pas d’être programmées dans tous les festivals Jazz en France? Peut-être font-elles peur parce qu’elles prennent racine dans l’histoire de nos îles?

L’ esclavage et l’extermination des Amérindiens Caraïbes demeurent des sujets tabous en France. Pourtant nos musiques ne prônent qu’un message de paix et d’ouverture. En outre, l’engouement du public montre bien l’intérêt de nos cultures profondes et la vente des CDs également,(alors qu’on est difficilement distribué).En revanche, et en vérité on a la chance d’être soutenu par les journalistes de Jazz et autres, mais à part quelques programmateurs qui nous connaissent bien, la majeure partie des autres minimisent notre art et boudent nos musiques ! Nul n’ignore que le Jazz a été inventé par le peuple Créole: Jelly Roll Morton, Louis Armstrong, Sydney Béchet, etc…
Il me paraît légitime de demander à avoir les mêmes chances qu’un trompettiste Français de souche pour les programmations Jazz en France et face aux Victoires Jazz de la musique, ce qui est bien loin d’être le cas… Si un Antillais est Français pourquoi n’a-t-il dans les faits, pas les mêmes chances ?

Voici un petit CV pour les gens qui ne connaissent encore pas mon travail:
J’ai obtenu un 1er prix de conservatoire avec félicitations du jury, une licence de Musicologie, j’enseigne depuis 30 ans dans une école de Jazz (Le JAM ),je suis disciple d’un maître du Gwo-Ka moderne en Guadeloupe (Kafé Edourad Ignol),j’ai créé ma propre musique à NEW YORK en 2002 le jazz-Ka (Mix entre jazz & Tambour Trad Guadeloupéen).
J’ai enregistré 14 albums sur cette musique avec les plus grands noms de Guadeloupe & Martinique(à ce jour 7 Cds sont sortis ).

J’ai créé une méthode sur les Gammes Guadeloupéennes. J’ai 4 autres méthodes en cours: la méthode Jazz-Ka, une méthode sur les coquillages, une méthode sur la philosophie de la trompette moderne, et une méthode révolutionnaire sur l’apprentissage de la musique en général…Étant musicien de Jazz Antillais, dois-je aux yeux de la République Française, demeurer en permanence un “sous-citoyen, un sous- musicien, un sous- créateur de concepts, un sous-pédagogue”?

 

Franck Nicolas /Image prise sur page Facebook Franck Nicolas

 

Le pays des Lumières, ne laisse guère la possibilité aux ressortissants de ses ex-colonies, d’entrevoir les lueurs du succès au travers de l’art venu des Antilles. Dois-je rester condamné à voir s’éteindre la flamme artistique de ma culture Antillaise dans une république qui ne me voit que comme un pion, un assisté, voire pire un amuseur exotique au milieu d’une carte postale ? Dois-je mourir pour faire entendre ma voix, ma pensée, ma pédagogie, ma philosophie, mon art, ma musique?

Je pense qu’il faut instaurer des quotas pour que les musiciens de jazz Antillais soient réellement visibles dans tous les grands festivals de JAZZ…