A. Manga:”J’ai une haute estime de la musique…”

©ashleymaher.com
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En compagnie de la juriste de « Tribune 2 l’Artiste », j’arrive au lieu de rendez-vous en région parisienne; rencontrer un autre monument de la basse camerounaise : André Manga.
L’homme nous rejoint quelques minutes plus tard, casquette et lunettes bien fixées à leur place, une décontraction qui n’efface pas complètement sa timidité naturelle, laquelle timidité en fait un garçon plutôt attachant et avenant. Par contre sur scène, la mue est impressionnante.
A Paris pour l’enregistrement de son prochain album, il s’apprête à rejoindre le Cameroun pour assister aux festivités du cinquantenaire.

Beaucoup d’années se sont écoulées après ’’ Mother Rhytm’’. Pourquoi ?
C’est vrai ! Mais pendant tout ce temps je n’ai pas chômé puisque j’ai continué à travailler dans la musique comme side-man et surtout à travailler sur mon nouvel album pour lequel je suis d’ailleurs ici à Paris. Et aussi, j’avais envie de changer les canaux de production donc tout cela nécessite bien profonde réflexion non ?

Changer de canaux de production ?
Oui ! Le précédent album a été produit par les américains et le mode de distribution n’a pas été efficace ce qui fait que, certes vendu à de milliers exemplaires aux Usa, il est passé presque inaperçu en Europe et en Afrique. Mais ce sont aussi les aléas du métier et il faut aller de l’avant.

Vous pensez,monsieur Manga, aux aspects juridiques en parlant également de changements ? (Question de notre juriste Stéphanie Ngo Mbem)
Entre autre également. Je dois pouvoir trouver le juste équilibre entre mes intérêts et ceux des autres intervenants.En effet ! Renchérit l’avocate spécialisée en droit de la propriété intellectuelle.

Qu’est-ce qui va changer musicalement parlant sur l’album en préparation par rapport au premier ?
Je ne pense pas que musicalement parlant, je change grande chose dans ma façon de concevoir la musique, mais l’aspect nouveau dans ce disque est de le partager avec les camerounais en majorité ; ce qui n’avait pas été le cas lors d’une premier qui, avait une forte présence d’américains.

Qui fera donc partie de l’aventure du prochain album ?
Du beau monde ! Vincent Nguini, Justin Bowen, Félix Sabal Lecco et bien d’autres encore. D’ailleurs c’est la raison pour laquelle je suis là. Mais déjà avec ces noms, vous voyez que c’est déjà le haut niveau. Vincent Nguini est une sommité, tout comme Bowen et Sabal dans leurs instruments. De plus, je fais un clin d’œil à des œuvres qui sont entrain de disparaître dans l’inconscient collectif des gens parce que pas mises en valeurs.

Et Manu Dibango alors ?
Il sera présent à sa façon, d’abord parce qu’il me conseille également dans l’approche que j’aborde. Mais ainsi que je le rappelais déjà quelques années, après avoir appris chez Manu, j’ai été apprendre d’autres choses qui font que j’exprime ma personnalité musicale comme le fait par exemple Richard Bona.

Conception de votre musique. Comment la concevez-vous ?
Vous savez, j’ai une haute estime de la musique pour que je la fasse négligemment.  Ce qui veut dire que je prends le temps d’offrir le meilleur de moi. Sinon pourquoi avoir passé du temps à étudier cet art et à travailler à un haut niveau si après il faut fournir ‘’’ n’importe quoi’’ au public ?
De l’autre côté, notre patrimoine musical est tellement riche qu’il est temps que nous même nous l’exploitions au lieu de le laisser à la portée des autres pour venir pleurnicher après.

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Les autres l’exploiter ?
Oui ! Tu sais, lorsque j’enregistrais la musique de film ’’Preacher’s Wife’’,  j’ai été frappé de voir que les américains possédaient des disques africains dans leurs réserves. J’ai vu le disque de Charlotte Mbango et je me suis dit intérieurement, mais que fait son disque ici ? C’est dire combien ils se renseignent sur nos musiques et les exploitent alors que nous ne les mettons pas en évidences nous-mêmes.

Comment a-t-on classé ton album aux États-Unis ? Je veux dire dans quelle catégorie ?
Je vais te répondre par une anecdote. Quand ils écoutent Richard, Bowen ou même ‘Mother Rhythm’ ou nous voient souvent jouer, ils sont désaxés ; car on leur offre ce qu’ils connaissent bien, ensuite on fait un mélange de qu’ils connaissent déjà avec nos rythmes à nous et ils sont du coup perdus et çà c’est notre force.  Ils ont mis entre Jazz et World-music, new-jazz etc… vais-je dire, car nombreux m’ont dit : ’’ That’s new approach of jazz you bring Andy ’’.

On note la mise en avant des instrumentistes comment expliquez-vous cela ? Ils sortent de plus en plus de disques.
Chanteurs ou instrumentistes, nous faisons d’abord le même métier.  Mais je pense également que si les instrumentistes sortent de plus en plus de disques, c’est parce qu’ils ont également cette capacité de compréhension de celle-ci. Bref personne n’a le monopole de sortie de faire un disque, mais l’essentiel est de bien le faire, de prendre en considération ce beau métier et surtout de respecter le public consommateur. C’est pour moi l’essentiel.

André, nous allons nous quitter, il se fait un peu tard, le mot de la fin ?
Je suis vraiment touché par votre démarche (Stéphanie et toi) et de la Tribune que vous offrez aux artistes de s’exprimer. Notre débat a été très enrichissant et nous le poursuivrons à mon retour du Cameroun. Çà fait plaisir de voir que nous sommes soutenus dans notre métier.