Hilaire Penda:” l’appât du gain facile en était la raison”

Hilaire Penda: Le Warmupshow,c’est la fête de la musique pour la gloire de la musique et non celle des individus.

Volontairement en retrait de la scène musicale camerounaise pendant plusieurs années pour des raisons dont il livre partie ou presque la teneur, loin d’être un énigmatique comme l’on voudrait et pourrait penser, Hilaire Penda est plutôt un homme qui sait où il va et dont l’une des caractéristiques est d’être en décalage avec un certain conformisme. C’est fort du refus de ce conformisme constaté et développé à l’époque dans le milieu musical camerounais qui entreprend l’exil anglais.

Si ce choix a participé à le faire oublier ( ?) de la mémoire collective de certains camerounais comme le bassiste qui a également marqué les années 80 aux côtés de Aladji Touré la musique camerounaise d’un côté et africaine de l’autre, ceci n’enlève en rien que le virtuose, dans son exil choisi, est devenu une pièce de choix dans le rock, s’imposant dans cette musique comme une énorme pointure qu’il demeure surtout.

Comme son compatriote Armand Sabal Lecco pour les États-Unis, il est un pionnier, parti en reconnaissance pour d’autres rythmes et d’autres cieux. La scène rock et le nom de Hilaire Penda sont intimement liés, car le camerounais y est allé faire des siennes par la qualité de son jeu, apportant une touche non pas africaine, mais celle d’un musicien qui vient d’Afrique avec une autre science et une autre approche.

Exigeant, d’aucuns diront ’’têtu’’. Mais Hilaire a à cœur de ne pas céder à la facilité qui généralement dans le monde musical conduit à une précarité dans laquelle certains de ses pairs se trouvent et surtout, il a compris très tôt que l’organisation est importante pour un musicien et ce n’est pas pour rien qu’il dit son admiration pour la jeune génération des instrumentistes qui s’entourent de compétences pour mieux progresser. Hilaire Penda est de la race de ces individus qui ont le flair de sentir les choses bien avant que la masse ne vienne s’y engouffrer.

Le ’’Bad Boy’’, comme il se désigne lui-même, est un homme entier qui ne laisse s’insérer dans son organisation aucune improvisation qui ne soit contrôlée. Mais, c’est aussi un homme ouvert et prêt à rendre service en promouvant les talents confirmés comme naissants dans son concept aujourd’hui devenu une référence : Le Warmup Show. Concept qu’il a mis en place depuis 2006, année de son retour en territoire hexagonale.

Dans un petit café parisien, nous nous sommes entretenus pendant plus de deux heures, occasion pour moi d’apprendre un peu de et sur l’homme que j’ai vu la dernière fois à l’alimentation générale lors d’un de ses warmupshow avec Justin Bowen, mais aussi de comprendre ce concept de warmupshow mis en place par l’explosif et véloce bassiste.

Bonjour Hilaire, j’avais promis la dernière fois que je reviendrai te voir pour que l’on parle un peu de ton warmupshow.
Tout le plaisir est pour moi de te rencontrer et d’avoir une occasion comme celle-ci offerte de parler un peu de cette formule que je développe ici.

Alors c’est quoi le warmupShow ?
Le warmupShow est un concept que j’ai ramené de mon séjour en Angleterre et qui est une espèce de mise en bouche avant les grandes échéances. Il consiste à inviter donc des musiciens de tout calibre pour venir jouer avec moi sur la scène dans le partage et non dans un esprit de concurrence. Ce n’est ni une mise en avant de Hilaire Penda, ni celle de l’invité, mais seulement une tribune pour présenter ce que les rencontres musicales que je provoque peuvent donner pour le public. C’est la fête de la musique pour la gloire de la musique et non celle des individus.
Et vous voyez que c’est gratuit ! Pour une musique de qualité que nous proposons au public. Le chapeau qui circule dans la salle ayant pour seul objectif de récolter des dons volontaires pour permettre à mon équipe de faire tout le travail d’exploitation du concept : (Création d’affiches et toutes les autres opérations inhérentes…)

Mais cette idée ne te vient pas comme cela.
Tu sais, avant de partir de France pour l’Angleterre, j’ai vu une certaine façon de fonctionner qui ne me convenait pas dans le milieu. Et de tout temps, j’ai toujours compris qu’il est important pour un musicien d’être un entrepreneur ou entreprenant si l’on veut. Cela suppose alors aussi une certaine façon de fonctionner même avec les pouvoirs publics ; de s’assurer sa retraite par le paiement des impôts etc…. Mon exil en Angleterre a confirmé cette approche. Même si cela m’a coûté, côté camerounais, j’ai découvert autre chose et j’en suis revenu encore mieux aguerri et plus entreprenant.

Bien avant cela j’avais proposé autre chose dans le style des spice-girls (avant même qu’elles n’explosent), mais je n’avais pas été suivi.
Mais je suis content de voir que les warmupshows prennent une grande dimension ce avec les collaborations que je fais en coulisses et qui ne sont pas de l’ordre de la musique pure, mais de entrepreneuriat afin de donner une envergure à cette dynamique. C’est aussi l’occasion de dire merci à tous et à toutes.

©Tribune2lAtiste.com/Hilaire Penda

 

Qu’est ce qui te fait partir de France alors ?
C’est un peu le dégoût du mode de fonctionnement dans lequel on essayait d’attirer tout le monde dans notre milieu musical camerounais. Quand je partais du Cameroun, c’était pour mieux progresser et non pour être tiré vers le bas.
La nouvelle génération a la chance de posséder internet et de pouvoir apprendre le métier via ce support. Lorsque j’apprenais à jouer la basse, c’était à partir des chansons diffusées à l’émission la discothèque de papa.

J’apprenais une partie cette semaine et j’attendais l’autre semaine pour écouter la seconde partie du morceau pour continuer mon apprentissage. J’arrive en France, je me rapproche des aînés de qui j’apprenais étant au Cameroun et lorsque j’ai vu que je pouvais apprendre ailleurs encore d’autres choses, j’ai donc préféré aller ailleurs pour continuer cet apprentissage non plus seulement sur le plan de la technique, mais également la façon d’être et de gérer les affaires en tant que musicien. Quand on a fait un tel travail faut-il donc le sacrifier à l’autel de l’amateurisme qui continue à subsister ? Je suis vraiment heureux de voir que de jeunes frères assez bons techniquement parlant, aient également compris qu’il ne fallait pas rester dans un milieu amateur quant au mode de fonctionnement, de gestion de carrière.

Le mot « entreprendre » est beaucoup présent dans ton propos.
Le manque d’organisation minimum qui n’apparaissait nulle part et cette façon de céder à l’appât du gain facile, qui au final conduit à une certaine précarité, poussent à entreprendre. Il suffit de regarder de près, certains artistes de chez nous qui, dans le passé avaient eu beaucoup de succès, pour voir dans quel état précaire ils sont pour x ou y raisons.
Je me suis toujours refusé à fonctionner de cette façon, n’hésitant souvent pas à refuser certains projets qui ne s’inscrivaient pas dans la clarté artistique et organisationnelle quitte à m’attirer des inimitiés des uns et des autres.
L’industrie du disque montre chaque jour que nous devons apprendre à entreprendre des choses, ce qui suppose que l’on s’entoure des compétences pour proposer autre chose que le disque, ou qui complète le disque. C’est ce que j’essaie de faire avec les warmupshows, dont je rappelle sont un partage avec tout le monde intéressé par la formule.

J’ai l’impression que tu ne veux pas tout me dire là.
Il n y a rien à dire que je ne t’ai expliqué. De toute les façons, si tu n’es pas un minimum organisé, entreprenant, dans le contexte actuel de la musique, tu peux dire bye bye à beaucoup de choses dans le métier. D’où la nécessité de se diversifier et de proposer des choses à des partenaires sérieux pour avancer et non aux charlatans comme il y en a aussi là dehors.

Hilaire Penda n’est pas allé au cinquantenaire au pays pourquoi?
Je n’ai pas été contacté pour cela. Mais je pense aussi que c’est un peu de ma faute car je m’étais déconnecté du pays, mais pour des raisons qui sont valables et que beaucoup de musiciens, les plus jeunes comme les plus anciens avancent lorsqu’on a le souci des choses sérieuses et bien faites. Pourtant je vais ailleurs en Afrique et dernièrement (moins de 3 semaines) j’ai été invité en Côte d’Ivoire au Festival l’émoi du Jazz. Ceci étant, je reste à la disposition du Cameroun si les choses sont faites de sorte à nous assurer les bonnes conditions pour travailler, ou pour un spectacle etc…

Quand tu dis que la formule de Warmup-Show est ouverte, peux-tu m’en dire plus ?
Je suis prêt à monter sur scène avec tout le monde dans le souci du partage, sans lutte des égos. Tu as vu la dernière fois que tu es passé, comment nous nous sommes bien amusés avec Justin Bowen et les filles . Ces expériences sont un plus pour la musique et si mes compatriotes sont ouverts à ce genre d’initiatives why not ? La seule condition est juste le sérieux de chacun.

Les instrumentistes occupent de plus en plus le devant de la scène qu’en est-il de Hilaire ? Un disque bientôt ?
Il y a plusieurs façons de l’occuper. Mais en ce qui concerne la sortie du disque, Lorsque toutes les conditions seront réunies je le commettrai et il sera mis à disposition du public. J’y travaille avec beaucoup de sérieux, mais il faut comme je le disais, que toutes les conditions soient réunies pour le voir sortir.

Nous nous reverrons bientôt ; à toi le mot de la fin.
Comme je l’ai dit plus haut, tout le plaisir a été pour moi de te rencontrer en dehors du travail et de parler de choses sérieuses. Nous restons en contact et merci à tous.